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L’ISTHME DE SUEZ.

C’est vers l’extrémité des lacs amers que se termine une grande vallée, portant les noms de Toumilât et de Sabah-Byar, laquelle vient du Delta presque à angle droit, en commençant près de l’ancienne branche Pélusiaque. Cette vallée, cultivée de temps immémorial, et qu’on croit être la Terre de Gessen, habitée par les Hébreux lors de leur séjour en Égypte, recevait les eaux du Nil, avant le desséchement de cette branche, par une dérivation qui s’ouvrait près de Bubaste.

La jonction entre la Méditerranée et la mer Rouge peut donc se faire de deux manières :

Ou directementy, de Suez à Péluse, par un canal creusé dans le bourrelet montagneux entre Suez et les lacs amers, ensuite par le bassin de ces mêmes lacs, et enfin par un second canal, entre leur extrémité et la Méditerranée ;

Ou bien indirectement par l’intermédiaire du Nil, en profitant de la vallée de Sabah-Byar, et en joignant l’extrémité des lacs amers par un canal aboutissant sur un point quelconque de la branche Pélusiaque, ou un peu au-dessous de la pointe du Delta.

C’est ce second parti qu’ont pris les anciens. Jamais ils n’ont songé à établir la communication directe, qui cependant eût été plus facile, qui du moins leur eût donné une navigation continue, tandis que la voie qu’ils ont choisie ne leur a pu donner qu’une navigation temporaire, subordonnée aux chances de l’inondation du fleuve. Pourquoi ont-ils préféré cette seconde voie, et négligé entièrement la première ? Ils ont eu, on le pense bien, d’excellentes raisons pour agir ainsi.

La première est la nécessité de faire profiter le Delta de cette grande communication, car l’un des principaux objets du canal a dû être l’exportation des denrées pour l’Arabie ; il fallait donc le mettre en rapport avec une branche du fleuve.

La seconde est l’impossibilité d’établir un port durable sur la côte de Péluse, non-seulement à cause de la disposition de la côte, mais surtout à cause de l’existence du courant continu de l’ouest à l’est qui règne le long de la côte septentrionale de l’Afrique, courant qui, en entraînant le limon du Nil, comblerait en peu de temps tout port qu’on voudrait établir sur un point du rivage à l’orient des bouches de ce fleuve. L’existence de ce courant est, pour le dire en passant, une des causes de l’extrême lenteur de l’avancement du Delta dans la Méditerranée ; car ce qu’a dit notre illustre Cuvier sur l’exhaussement rapide et l’agrandissement de cette partie de l’Égypte est