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par les Arabes, au témoignage de Makrizy. Aussi Philadelphe, selon Strabon[1], lui donna une profondeur suffisante pour un vaisseau de charge. Les bâtimens, partis d’un point quelconque du Nil, arrivaient dans le canal, de là dans la mer Rouge, et se rendaient à leur destination, sans qu’il eût été nécessaire de procéder à l’opération longue et coûteuse du transbordement.

§ II. — DU CANAL SOUS LES ROMAINS ET LES ARABES.

Que le canal des deux mers ait été entretenu sous les premiers empereurs, c’est ce dont il est difficile de douter. Les soins donnés aux canaux sous le règne d’Auguste, comme l’atteste Strabon[2], et la bonne administration de l’Égypte sous ses successeurs, ne permettent pas de croire qu’on eût négligé le canal auquel le grand développement qu’avait pris le commerce de la mer Érythrée et de l’Inde donnait une importance nouvelle. Aussi Pline, sous le règne de Néron, qualifie encore le canal qui aboutissait à Arsinoé de navigabilis alveus. Il lui conserve le nom de Ptolemæus amnis (fleuve Ptolémée), qu’il continuait de porter comme au temps de Diodore de Sicile. Les quatre premiers Césars n’avaient donc pas eu besoin d’y faire exécuter de ces grands travaux qui pouvaient donner à la flatterie l’occasion d’en changer le nom contre celui d’un empereur.

Mais, au temps du géographe Ptolémée, le premier nom avait disparu, pour faire place à celui de fleuve Trajan (Τραϊανός ποταμός). Ce changement annonce que, sous le règne de Trajan, le canal avait attiré une attention nouvelle, et avait été l’objet d’améliorations considérables[3] : en effet, Ptolémée ajoute[4] que le canal passe à Héroopolis et à Babylone. D’où il suit qu’il portait ce nouveau nom dans toute l’étendue de son cours, et que le travail ordonné par Trajan avait consisté à la fois dans une grande réparation de la partie voisine de la mer Rouge et dans l’établissement d’un autre canal qui portait la prise d’eau à Babylone, près du Caire actuel, environ 60 kilomètres en amont de Bubaste, opération qui avait pour but

  1. lib. XVII, p. 804.
  2. Strab. XVII, p. 788, et la note de Gosselin dans la trad. franç., t. V, p. 318.
  3. C’est sans aucun motif que M. Le Père doute que Trajan ait voulu rétablir la communication des deux mers, et présume qu’il avait seulement pour but les irrigations, (p. 67).
  4. Geogr., IV, 3, p. 106.