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tous les caractères d’une haute probabilité : c’est que Java, dont le sol surpasse en fertilité celui des contrées environnantes, et dont la population se montre à nous, dans tous les temps, agglomérée en corps de nation, fut le foyer où se forma cette civilisation primitive, et d’où elle rayonna dans tout le monde océanique. La présence, dans les idiomes océaniens et dans le javanais vulgaire, d’une foule de mots ayant une racine et une signification communes, confirme cette induction. Il serait impossible aujourd’hui de fixer l’époque à laquelle partirent les premières migrations que Java envoya au dehors ; ce fut sans doute plusieurs siècles avant notre ère ; en effet, un laps de temps considérable fut nécessaire pour qu’elles aient pu parvenir jusqu’aux limites extrêmes où nous les retrouvons aujourd’hui, et déjà, dans le premier siècle de notre ère, des colonies indoues avaient apporté dans l’archipel d’Asie une nouvelle civilisation, dont il n’existe aucune trace en dehors de ce point central.

Les anciens peuples océaniens eurent-ils des gouvernemens réguliers ? à quel degré de civilisation étaient-ils parvenus ? C’est ce que l’histoire ne nous apprend pas. Dans cette absence de documens, il peut être utile de consulter le vocabulaire comparé de leurs idiomes ; il contient plus d’une curieuse révélation. Ainsi l’on y voit qu’ils avaient fait déjà certains progrès en agriculture, qu’ils avaient dompté le bœuf et le buffle, et qu’ils avaient dressé ces animaux aux travaux du labourage et aux transports des fardeaux, qu’ils connaissaient l’usage de plusieurs plantes alimentaires, telles que le riz, une espèce de blé et la canne à sucre, et possédaient quelques animaux domestiques destinés à leur nourriture, tels que le porc, la poule, le canard ; qu’ils savaient se fabriquer des vêtemens avec l’écorce tissée des plantes filamenteuses, travailler le fer, façonner l’or et en faire des objets de parure ; enfin qu’ils avaient un système de numération décimale et un calendrier[1].

Parmi les manuscrits qui font partie des belles collections malaye et javanaise, conservées dans la bibliothèque de la Société royale asiatique de Londres, il existe un ouvrage qui a pour titre : Woukon Jawa di pindeh pada bhasa malayou (Calendrier javanais traduit en langue malaye), et qui contient un traité complet des diverses méthodes employées par les Javanais pour régler le temps. L’on y voit qu’ils possédèrent de toute antiquité un calendrier astrologique et sacer-

  1. Crawfurd. — History of the indian archipelago, t. II.