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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/251

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LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

dotal, fondé sur une astronomie dont les principes nous sont inconnus, et un calendrier rural, divisé d’après l’ordre des travaux de leur agriculture.

L’adoration des objets qui dans l’univers frappent la vue de l’homme, et des grands phénomènes de la nature, cette forme de panthéisme si simple et qui se retrouve chez tous les peuples primitifs, paraît avoir été la base du système religieux des anciennes nations océaniennes. Les Malays et les Javanais, quoique professant depuis plus de dix-huit siècles des croyances étrangères, ont foi encore aujourd’hui à plusieurs de leurs vieilles divinités nationales. Ce sont celles que les adorations du vulgaire avaient consacrées. Chez eux comme parmi nous, plusieurs de ces superstitions ont traversé les siècles, et sont encore debout, quoique les civilisations dont elles sont l’expression aient depuis long-temps cessé d’être. Les Malays croient que des esprits habitent les airs, les bois et les eaux, et exercent sur l’homme une influence malfaisante. Ils ont leur chasseur infernal, comme les bûcherons du Hartz, et leur esprit du foyer domestique, nain difforme qui est aux ordres de quiconque dans la famille a une vengeance à satisfaire, et qui, pour prix de ses services, veut être nourri du sang de celui qui l’emploie. Dans l’opinion du Javanais, à chaque classe d’objets dans la nature est attachée une divinité spéciale.

La cosmogonie des Taïtiens, recueillie par les missionnaires anglais, celle des habitans des îles Tonga, rapportée par Mariner, touchent d’un côté au plus grossier panthéisme, de l’autre elles s’élèvent jusqu’au spiritualisme le plus raffiné. La religion taïtienne porte dans tous ses dogmes les traces d’un double enseignement, l’un extérieur et populaire, l’autre ésotérique et secret. Rien n’est plus curieux à lire, dans les relations des voyageurs, que la description des mystères célébrés par les initiés autour des moraïs[1] ; ces rites sombres et sanglans offrent des analogies frappantes avec les cérémonies du culte druidique.

À cette civilisation des races océaniennes primitives succéda, dans l’archipel d’Asie, celle que l’Inde vint plus tard leur imposer. Ce fut, suivant les chroniqueurs javanais, dans les premières années de l’ère de Salivahana, dont le commencement correspond à l’an 78 de Jésus-

  1. Les moraïs décrits par Cook, Wilson et autres, étaient formés de pierres de corail, d’un volume parfois énorme, entassées avec régularité et s’élevant en gradins. Ces monumens, aux proportions colossales, servaient de sépulture aux rois et aux grands personnages, et étaient consacrés aux divers ordres de dieux.