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REVUE DES DEUX MONDES.

Et la blanche Paros, cette mine de dieux.
Jetons loin nos ciseaux, outils sacrés naguères,
Qui ne traceront plus que des formes vulgaires.
Nos marbres encensés trônaient sur les autels ;
Ceux qui faisaient les dieux feront-ils des mortels !

Si l’Olympe est un mot, si d’un signe de tête
Nul dieu n’en fait tomber la vie et la tempête,
Assis sur son grand aigle et la foudre en ses mains,
Et ne noue à son gré des dieux et des humains ;
Si jamais une vierge aux allures hautaines
Du beau sceptre de l’art ne vint douer Athènes ;
Si devant toi jamais ils n’ont paru tous deux,
Aux confins du réel agrandis à tes yeux,
Lui, flamboyant d’éclairs que sa droite balance,
Elle, portant l’égide, et le casque, et la lance,
Pourquoi ne peut-on voir ton Zeus et ta Pallas,
Sans tomber à genoux, ô divin Phidias !

LE CHOEUR.

Une voix chante, ô Mer, et gronde sous tes lames,
Une flamme en jaillit, le soir, au choc des rames ;
Un caprice inconnu règne au fond de tes eaux ;
Tu berces tout à tour ou brises les vaisseaux ;
Ton immense regard s’assombrit ou s’éclaire,
On dirait que tu sens l’amour et la colère.
Mille esclaves, ô Mer, pleuplent tes flots sacrés,
En toi la vie abonde à ses mille degrés,
Et comme chez un roi, dans tes profonds domaines,
Des trésors inouis bravent les mains humaines ;
Sur tes plaines d’azur volent des coursiers blancs
Dont les crins écumeux battent les larges flancs ;
Leur foule en hennissant t’adore et t’accompagne,
Quand tu viens sur ton char haut comme une montagne.
Des troupeaux monstrueux paissent dans tes forêts,
Nul chasseur ne les suit dans tes antres secrets ;
Là, tu dors dans ta force après tes jours d’orages ;
L’homme cueille en tremblant la nacre sur tes plages,
Dérobe le corail à tes murs de granit,
Mais nul n’a vu les bords où ton palais finit ;