Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
REVUE DES DEUX MONDES.

germanique, elles ne sont pas non plus tout-à-fait italiennes ; c’est quelque chose de fondu, de tempéré, dont tous les élémens sont étrangers à notre sol, mais dont l’ensemble nous est propre et revêt notre caractère.

Je parle ici particulièrement de la sculpture et de l’architecture, parce que c’étaient alors les deux arts dominans, les deux arts populaires ; néanmoins on peut en dire à peu près autant de la peinture sur verre, de la peinture de décoration, et même de la peinture de portraits. Ce dernier genre, il est vrai, était loin d’avoir renoncé à ses habitudes d’imitation littérale et sèchement étudiée qui provenaient des traditions allemandes ; mais il avait cependant adopté peu à peu quelque chose de cette finesse veloutée et transparente qui distinguait les beaux portraits exécutés en Lombardie. Ainsi, Janet, même dès sa jeunesse, tout en appartenant à l’école d’Holbein, se rapprochait déjà par quelques points de celle de Léonard, et de ce mélange il résultait une manière toute particulière de traiter le portrait, manière qu’on pouvait appeler française.

N’oublions pas enfin qu’à côté de ce goût lombardo-gothique, ou, pour employer des termes consacrés, à côté de ces formes du commencement de la renaissance, les formes purement et exclusivement gothiques conservaient encore des partisans, soit dans le fond de quelques provinces reculées, soit chez les personnes avancées en âge, dans les vieilles familles parlementaires, et parmi cette partie de la population qui s’associait à la réforme et à sa haine de l’Italie. Ce n’étaient là toutefois que des exceptions, et presque toute la génération active et impartiale se livrait avec entraînement à l’amour de ce genre qu’on peut, si l’on veut, appeler bâtard, petit, mesquin, mais qui produisait les plus gracieux amalgames, les plus ravissantes combinaisons.

Eh bien ! c’est à ce genre qui, depuis trente ou quarante ans, s’était si bien naturalisé français, que le Rosso et ses Italiens venaient, de part le roi, substituer brusquement le style florentin, le style michel-angelesque, le grand goût italien, le goût du jour. Fort heureusement la tentative n’eut qu’un demi-succès.

La première épreuve en fut faite à Fontainebleau, lorsque le Rosso eut terminé sa galerie de François Ier. Tout le monde fut enchanté de la richesse des décorations, mais pour les peintures, en général on parut n’y rien comprendre. Ceux qui admiraient, admiraient sur parole, parce qu’on leur disait que c’était la dernière mode d’Italie, le dernier degré de la science. Pour les gens de bonne foi,