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REVUE LITTÉRAIRE.

DE LA DÉMOCRATIE CHEZ LES PRÉDICATEURS DE LA LIGUE,
PAR M. CHARLES LABITTE.

L’érudition, pour s’élever à la dignité de la science, doit, avant tout, donner à ses recherches un but utile, et, pour ainsi dire, pratique ; mais, par malheur, c’est là précisément ce qu’elle néglige d’ordinaire. Pourquoi se préoccuper du passé, si l’étude doit rester sans profit pour la vie actuelle ? N’est-ce pas trop déjà du présent et des inquiétudes de l’avenir ? Qu’importe que les comtes d’Artois aient ajouté aux armes des ducs de Nevers un lambeau de gueule de trois pièces chargé de neuf châteaux d’argent, que tel manuscrit illisible d’un trouvère inconnu soit écrit sur parchemin ou sur papier, que Louis VII ait donné, aux kalendes de juin ou d’août, trois arpens de vignes à l’abbaye de Saint-Germain ? L’histoire et la vie ne sont pas là. Il ne suffit pas, pour qu’une charte mérite notre attention et nos respects, que le temps en ait effacé les lettres, ou qu’elle porte, au bout de trois fils de soie verts ou rouges, un morceau de cire vermoulue. Si nous remuons les cimetières pour interroger les morts, que la question, du moins, vaille la peine de les réveiller. Or, ce qu’il faut chercher avant tout dans le passé, c’est le côté humain, c’est le secret de ces passion éternelles qui se raniment çà et là plus ardentes aux époques maladives des sociétés, c’est le mot de ces misères publiques qui travaillent la barbarie comme la civilisation, c’est l’histoire de la lutte toujours renaissante des intérêts et des devoirs, du droit et de la force. C’est donc une heureuse inspiration quand on s’inquiète des vieux temps, d’explorer de préférence les époques de crise et de rénovation ; car, à côté du drame, on trouve là l’enseignement sérieux, et l’esprit est mieux disposé à juger le présent avec calme et justice, quand il a vu, dans le spectacle du passé, les déplorables excès où l’entraînement du combat jette souvent les hommes d’élite et les natures même les plus généreuses.