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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/319

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AFFAIRES DE SUISSE.

tiques étaient catholiques, et les cantons aristocratiques étaient protestans. Depuis 1830, la plus grande confusion s’est établie. Un nouvel élément s’est introduit ; c’est l’élément philosophique et irréligieux, qui a fait généralement alliance avec l’esprit radical, mais il s’en faut bien qu’il soit à lui seul tout le radicalisme. Le canton de Lucerne, qui a maintenant la constitution la plus radicale de la Suisse, est très catholique. D’un autre côté, les trois petits cantons, qui sont catholiques fervens, sont en même temps très conservateurs. À Berne, l’aristocratie déchue et le libéralisme vainqueur sont également attachés à la réforme. À Zurich, les radicaux, qui ont été maîtres du gouvernement pendant quelque temps, ont voulu faire acte d’incrédulité en appelant le professeur Strauss, qui nie jusqu’à l’existence de Jésus-Christ, à enseigner dans leur université ; le peuple, qui est protestant zélé, a pris les armes, a renversé le gouvernement et l’a remplacé par les hommes modérés du parti conservateur. Il est vrai de dire cependant qu’en général, et à prendre les choses dans leur ensemble, les pays protestans sont plus portés aux idées libérales, et les pays catholiques aux idées de conservation.

Enfin, il est une troisième question qui est pour la Suisse une source constante de difficultés : c’est celle des rapports des états avec la confédération. Dans l’origine, les trois cantons qui ont formé par leur réunion le noyau de la confédération helvétique, ne se sont associés que dans un but de défense commune. C’était une idée trop complexe pour ces temps reculés que celle d’une confédération réelle qui soumît chacun des états au contrôle de tous. Les bergers des Waldstetten voulaient, avant tout, être maîtres chez eux, et s’ils consentaient à se donner des alliés, c’était uniquement pour avoir plus de bras en armes contre l’ennemi, non pour aliéner une portion quelconque de leur souveraineté. Cette notion imparfaite et primitive fut suffisante tant que dura la confusion du moyen-âge, mais dès que la constitution intérieure des états européens commença à se régulariser, il n’en fut plus de même. Non-seulement de puissantes unités nationales, se formant autour de la Suisse, durent faire sentir à ses cantons le besoin de resserrer plus fortement le nœud qui les unissait dans l’intérêt même de leur défense, mais de nouveaux besoins durent aussi leur montrer qu’il ne suffisait pas de s’organiser pour la guerre, et qu’il y avait un autre genre d’organisation, rendu nécessaire par les progrès de la civilisation générale. Aussi bien la Suisse n’était plus cette association de quelques milliers de paysans dont l’unique besoin était de mener paître leurs troupeaux