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darmes qui l’accompagnaient. Dans tout le pays, les catholiques se levèrent en masse. Le gouvernement argovien convoqua de son côté tout le contingent militaire, et appela du secours des cantons voisins. Le 11 janvier, un engagement eut lieu près de Vilmergen, où déjà deux fois on s’était battu, en 1656 et en 1712, pendant les guerres de religion. Les catholiques furent repoussés, et les troupes prirent possession du couvent de Muri, que l’abbé et tous les religieux avaient abandonné. M. Waller et les autres prisonniers furent délivrés.

Le 13 janvier, le grand conseil d’Argovie, encouragé par ce succès, décréta la suppression de tous les couvens du canton et la confiscation de leurs biens. Un second décret, en date du 20 janvier, fixa les mesures à prendre pour la prompte liquidation de ces biens. C’est cette mesure violente qui est devenue pour toute la Suisse une source de graves embarras.

L’article 12 du pacte fédéral du 7 août 1815 est ainsi conçu : « L’existence des couvens et chapitres, la conservation de leurs propriétés, en tant que cela dépend du gouvernement des cantons, sont garanties. Ces biens sont sujets aux impôts et contributions publiques, comme toute autre propriété particulière. » Ce n’était donc pas seulement l’équité qui réprouvait l’acte du gouvernement d’Argovie, cet acte était encore contraire au texte formel de la loi fondamentale. Ce n’a pourtant pas été une chose toute simple que de ramener l’état d’Argovie à l’exécution du pacte fédéral, et ce n’est même pas une affaire finie à l’heure qu’il est ; bien s’en faut. L’action du gouvernement est si peu organisée en Suisse, qu’il était fort à craindre que le coup d’état du 13 janvier n’eût sa pleine exécution. Encore aujourd’hui, il n’est pas certain qu’il soit révoqué, mais enfin le principe contraire est posé malgré toutes les difficultés. Les Suisses ont suppléé, à force de bon sens, de prudence et de persévérance, à ce qui manque à leurs institutions. Il ne s’agit plus maintenant que de tirer les conséquences du principe ; œuvre pénible et périlleuse, mais d’un succès très possible et même très probable, si les hommes qui ont eu jusqu’ici la conduite de l’affaire persévèrent dans leur résolution calme, patiente et forte.

Ce qui a beaucoup contribué à rendre l’affaire délicate et difficile, c’est l’attitude prise par le directoire fédéral ou vorort. On sait qu’aux termes du décret fédéral de 1815, le canton dirigeant change tous les ans ; c’était cette année au canton de Berne qu’était dévolue l’autorité supérieure fédérale. Or, le canton de Berne, au-