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de règne le lui enleva, et la couronne lui devint aussi hostile qu’elle lui avait été favorable. C’est de ce point qu’il est parti pour se relever graduellement, à force de persévérance et de patience, jusqu’au jour où, sur un terrain choisi par ses adversaires, il vient de battre la couronne, l’agitation populaire et même une partie notable de l’aristocratie coalisées contre lui. Ce doit être une vive surprise pour ceux qui croyaient la vieille constitution anglaise à la veille de périr, et la démocratie assez forte pour s’emparer du pays.

Assurément les principes des tories n’ont pas mes sympathies et jamais plus que dans la crise actuelle la cause de leurs adversaires ne m’a paru bonne et juste. C’est pourtant un grand et noble spectacle que celui d’un parti politique qui, sur le terrain qu’on lui a fixé, avec les armes qu’on lui a laissées, devant les juges qu’on lui a donnés, lutte par ses propres forces entre l’influence monarchique et l’influence démocratique réunies, et triomphe des deux à la fois. Il y a là, ce me semble, pour tous les partis, dans tous les pays libres, un exemple frappant et une utile leçon.

Quoi qu’il en soit, l’avénement, ou, pour mieux dire le retour des tories est aujourd’hui certain, et voici les whigs retombés, comme avant 1830, dans l’opposition. Je tâcherai, dans l’article qui suit, d’apprécier les conséquences les plus prochaines de cet évènement ; mais, pour s’en faire une idée juste, il est nécessaire de connaître les causes immédiates qui l’ont produit et les incidens divers qui l’ont caractérisé jusqu’ici. Si le récit est un peu long, il n’est certes pas sans intérêt, surtout pour ceux qui suivent les affaires anglaises avec quelque attention.

J’ai expliqué l’an dernier[1] quelle était, à la fin de la session de 1840, la situation des partis en Angleterre, celle notamment du ministère whig. Plus impuissant que jamais, malgré le concours presque constant des radicaux, ce ministère, après avoir subi avec une merveilleuse patience quatre ou cinq échecs graves, venait enfin d’être poussé à bout par le bill de lord Stanley sur l’enregistrement des électeurs irlandais. Quatre fois battu sur ce terrain, il n’avait échappé à cette défaite définitive qu’en gagnant du temps à force d’habiles chicanes, et en mettant lord Stanley lui-même dans la nécessité d’ajourner sa proposition jusqu’à la prochaine session. Le jour où le parlement fut prorogé, le ministère whig était donc en quelque sorte frappé à mort, et il y avait tout lieu de penser qu’au début de la ses-

  1. Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1840.