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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

sion suivante, si ce n’est plus tôt, il ne lui resterait d’autre alternative que de céder la place à sir Robert Peel, ou de tenter une dissolution. La liste des principaux votes en main, les tories additionnaient le nombre des voix obtenues d’une part par le cabinet, de l’autre par l’opposition, et ce calcul très simple et très concluant donnait en bloc au cabinet 2,472 voix, à l’opposition 2,517. Ils énuméraient, en outre, toutes les mesures auxquelles le ministère avait dû renoncer, et celles qu’il n’avait fait passer qu’avec l’aide et sous le protectorat de l’opposition. Enfin, ils montraient presque toutes les élections partielles tournant contre les whigs, et les élections municipales rendant aux tories, dans beaucoup de villes, la majorité qu’elles leur avaient enlevée quelques années auparavant. Dans le parlement, hors du parlement, partout, excepté chez la reine, le ministère perdait donc de son crédit et de son autorité. Or, si, dans un gouvernement libre, la faveur de la couronne peut aider un ministère à se maintenir, cette faveur, dans aucun cas, ne saurait suppléer à la confiance publique et au concours actif du pouvoir qui représente légalement le pays. Tel était le thème chaque jour développé par les tories, et dont il n’appartenait certes pas aux whigs et aux radicaux de se faire les contradicteurs.

Malgré cette situation critique des partis, l’intervalle des sessions 1840-1841 fut beaucoup moins bruyant et agité qu’à l’ordinaire. Peu de ces réunions publiques, de ces dîners qui continuent la vie parlementaire d’une session à l’autre, et qui ne laissent pas à la fermentation politique le temps de se refroidir. Moins encore de ces prédications furibondes qui l’année précédente avaient troublé les ames protestantes, et embarrassé jusqu’à un certain point les chefs des conservateurs.

En Angleterre (je parlerai plus tard de l’Irlande), il n’y a guère à noter que deux grandes réunions, le meeting protestant de Londres à l’occasion de l’anniversaire du 5 novembre 1605 (conspiration des poudres), et le meeting radical et chartiste de Leeds vers le milieu de janvier. Dans le premier, de révérends orateurs, émules de M. Roby et de M. Bradshaw, déclarèrent le plus sérieusement du monde que « décidément le pape n’est autre que l’antechrist, et que le despotisme romain ressemble à s’y méprendre au tigre qui, tapi dans sa tanière, suit sa victime de ses yeux de feu, et, quand l’occasion se présente, se jette avidemment sur elle pour se gorger de son sang. » Ils engagèrent en outre le peuple anglais à ne jamais perdre de vue l’armada espagnole, la Saint-Barthélemy et la conspiration des pou-