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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

nuisent à leurs auteurs ; mais qu’on songe à tout ce qu’il y a dans une telle manière de procéder de simple, de grand, de véritablement parlementaire et constitutionnel. Ce n’est plus comme ailleurs un cabinet et une opposition qui, luttant de ruse et de subtilité, cherchent à troubler quelques esprits et à surprendre quelques votes. Ce sont deux grands partis qui mesurent leurs forces et qui se disputent loyalement le gouvernement du pays. En France, le règlement, rédigé sous l’empire de pénibles souvenirs, semble n’avoir qu’un but, lier le plus possible les mains à la chambre et lui ôter les moyens d’exprimer nettement et vivement sa pensée. En Angleterre, le règlement, né du besoin et de l’usage, tend à fortifier partout le pouvoir de la chambre et à le faire rayonner dans toutes les directions.

Pendant que la chambre des communes décidait ainsi du sort du ministère et de l’avenir du pays, que faisait pourtant la chambre des lords ? Se plaignait-elle, dans un esprit de rivalité puérile et d’inquiète jalousie, que la chambre des communes jouât un plus grand rôle qu’elle ? Trouvait-elle mauvais que, dans le débat sur la proposition de sir Robert Peel, son nom n’eût pas même été prononcé, et que d’un commun accord la prééminence eût été accordée au pouvoir électif ? Revendiquait-elle enfin pour elle-même un droit égal à celui de l’autre chambre ? Rien de tout cela. La chambre des lords, en Angleterre, est un pouvoir très sérieux, très considérable, et qui, pour cela précisément, connaît les limites de sa puissance et sait s’y renfermer. Depuis huit ans, il y a dans la chambre des lords une majorité de deux voix contre une pour l’opposition, et jamais la chambre des lords n’en avait conclu que le ministère dût se retirer devant cette majorité. Pendant huit ans, la chambre des lords s’était donc bornée d’une part à retenir le ministère sur la pente, de l’autre à prêter, autant qu’elle le pouvait, à l’opposition de la chambre des communes le secours de sa parole et de son influence. C’est encore dans la dernière crise la marche qu’elle suivit. Il n’y eut pas de bataille rangée, mais de vives escarmouches, où lord Fitz-William d’un côté, et lord Ashburton (sir Thomas Baring) de l’autre, firent, à propos de pétitions, assaut d’épigrammes, quelquefois même de personnalités. Un jour lord Fitz-William s’avisa de présenter une pétition des femmes de Yorkshire, revêtue seulement de cinq signatures réelles, et couverte en revanche d’une foule de croix. Les tories s’en aperçurent et ne manquèrent pas d’en faire un sujet de raillerie. Cependant lord Fitz-William ne se laissa pas déconcerter. « Cela est vrai, milords, s’écria-t-il, il y a sur cette pétition des croix