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ne pouvait pas compter. J’ai dit que, lors de l’élection de Nottingham, les chartistes, mécontens du ministère et des radicaux parlementaires, s’étaient alliés aux tories, et avaient fait nommer M. Walter. Il semblait que les réformes proposées dussent rompre cette étrange alliance, et déterminer les chartistes à se ranger, momentanément du moins, du côté du cabinet. Il n’en fut rien, du moins quant aux chartistes les plus ardens. Selon eux, le plan ministériel n’était qu’un leurre destiné à faire oublier la charte du peuple en portant le débat sur un autre terrain. Les vrais amis du peuple devaient donc demander la charte, rien que la charte, et dédaigner tout le reste. À Birmingham, ils ne se bornèrent pas à de vaines protestations ; venus en force à un meeting convoqué en faveur des ministres, ils firent passer un amendement qui déclarait que « les dernières mesures ministérielles sont une insulte aux millions de citoyens que le travail écrase et que la misère décime. » Peu de jours avant l’élection enfin, les délégués chartistes firent une adresse pour engager partout leurs frères à travailler, coûte que coûte, au renversement du ministère. Les chartistes, à la vérité, sont peu nombreux. Cette attitude de leur part ne pouvait pourtant manquer de jeter quelque trouble dans l’esprit du peuple et de modérer l’agitation.

D’un autre côté, sans aller aussi loin que les chartistes, et tout en acceptant comme un à-compte les mesures ministérielles, la fraction la plus décidée des radicaux témoignait fort peu de confiance soit dans les intentions du ministère, soit dans sa puissance. « Le ministère, disait le Spectator, organe habituel de cette fraction, reproche aux tories d’avoir l’intention de faire eux-mêmes, quand ils seront au pouvoir, ce qu’ils combattent aujourd’hui. C’est là précisément la force des tories. Les whigs parlent pour et ne font pas. Les tories parlent contre, et font quand ils ne peuvent plus l’éviter. » Ailleurs le Spectator établissait que, si les whigs avaient la majorité dans la chambre des communes, ils ne l’auraient pas dans la chambre des lords, et qu’il en serait dès-lors du droit fixe comme de la fameuse appropriation. « Les whigs diront d’abord que le chiffre n’est qu’un détail, et que le principe n’est pas une question vitale ; puis, après avoir vécu quelques années là-dessus, ils n’en parleront plus. Que sir Robert Peel, au contraire, ait la majorité, et les whigs, forcés de se jeter dans les bras du peuple, feront tant de bruit, que les tories auront peur et céderont. »

Sans doute, cette opinion du Spectator n’était pas celle de la majorité des radicaux. On aurait pourtant tort de la croire isolée. Parmi