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n’y est pas employé comme pronom singulier, il a adopté le nous, mais non pas le nous royal, le nous grand homme ; il dit nous au pluriel dans sa franchise naturelle, au nom des pères dont il cite les opinions en toute circonstance, et au nom des jeunes chrétiens qui sympathisent avec ses doctrines.

Récapitulons. M. Guiraud montrera la destination (l’écrivain a voulu dire le sens) des grands monumens historiques. Il est animé d’une inspiration continue, il n’a pas voulu boxer à la tribune pour y gagner un portefeuille, il a retiré son ame des dissipations tumultueuses des sens ; il a fait des tragédies, mais s’en repent. À propos de ces tragédies, il faut remarquer avec quel art l’auteur nous apprend qu’il a eu des succès au théâtre, du moins il le croit ; il nous parle du dégoût qui venait se glisser au milieu de ses triomphes comme le ver dans le fruit. Ce dégoût le poussa à se jeter dans le roman, non pas le roman qui fait couler les larmes des sous-officiers et des couturières, mais le roman chrétien qui devait servir de préparation et de préface à la Philosophie catholique. Cette fois nous n’avons plus affaire à un poète tragique, à un romancier, mais à un historien inspiré qui soulèvera le voile des mystères, et qui, apportant le secours de sa plume au clergé français, se fait à la fois l’organe des pères de l’église et des jeunes chrétiens de son siècle. En vérité, il faudrait une insensibilité bien étrange pour rester indifférent devant un tel écrivain.

Et quels cœurs si plongés dans un lâche sommeil

ne se ranimeraient pas à la vue d’un historien qui se présente comme un autre Moïse, le rayon de feu sur le front, pour expliquer aux hommes l’énigme de la vie ; qui, afin d’atteindre ce noble but, a tout sacrifié, et même n’a pas voulu être ministre, chose pourtant qui lui eût été si facile ! Aussi, nous avions déjà porté un regard avide sur la première page de la Philosophie catholique, quand un scrupule nous a saisi. Cet écrivain qui doit nous conduire à travers les ténèbres de l’histoire, ce guide précieux, nous ne le connaissons pas ; il nous a dit qu’il était poète, mais nous ignorons ses vers. Lorsque Dante se lamentait d’être perdu dans une forêt obscure, un guide vint s’offrir à lui, et ce guide se fit connaître d’un mot, car il dit qu’il était né à Mantoue du temps de Jules César, et qu’il avait chanté le fils d’Anchise, Serions-nous en face d’un autre Virgile ? Quel est ce poète qui s’offre à marcher devant nous dans le dédale de l’histoire humaine ? Pouvons-nous lui dire comme Dante au chantre de l’Énéide : Ô toi