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LA HOLLANDE.

sèrent en plusieurs bandes et s’en allèrent vers la côte, sautant de glaçon en glaçon, quelquefois obligés de gravir une montagne de glace pour en retrouver une autre un peu plus loin, et quelquefois sur le point de chavirer, soutenus par leurs camarades qu’ils avaient soutenus un instant auparavant. Après tant de dangers et de fatigues, ils atteignirent la côte du Groënland ; ils rencontrèrent de pauvres Esquimaux qui leur donnèrent un généreux secours. Guidés par eux, ils se rendirent aux établissement danois où ils trouvèrent la même hospitalité et des vivres en plus grande quantité. Les uns partirent avec des bâtimens qui allaient en Danemark, et de là gagnèrent facilement la Hollande. D’autres, oubliant tout ce qu’ils venaient de souffrir, eurent le courage de s’engager sur un navire qui devait hiverner là et entreprendre la pêche de la baleine au printemps. Ils ne retournèrent dans leur patrie que l’année suivante.

Les équipages des navires écrasés par les glaces se composaient de quatre cent cinquante hommes ; cent quarante seulement parvinrent à se sauver.

Dans les premières années de leurs expéditions au nord, les pêcheurs n’étaient pas, à beaucoup près, exposés à tant de dangers, car ils n’avaient pas besoin de s’aventurer dans des parages si orageux pour y prendre leur proie. La baleine alors sans défiance venait jouer autour des navires, se promenait paisiblement dans les baies, sans se soucier en aucune façon du harpon qui l’attendait. La pêche était facile et abondante. Chaque année les compagnies envoyaient un plus grand nombre de bâtimens, et chaque année ceux-ci revenaient chargés d’une riche cargaison. Pendant plus d’un demi-siècle, cette pêche fut l’une des plus grandes sources de prospérité de la Hollande. Elle employait plusieurs milliers d’hommes, elle enrichissait les compagnies par la vente de ses produits, l’état par l’impôt qu’il en retirait. De plus, elle formait d’excellens marins, et l’on peut dire qu’elle a puissamment contribué aux succès de Tromp et de Ruiter en donnant à ces deux illustres amiraux des hommes aguerris dans les mers glaciales à tous les périls et endurcis à toutes les fatigues.

Un pêcheur hollandais rapporte qu’il trouva, en 1697, sur une des plages du Groënland, une flotte qui venait de s’y rassembler, et qui se composait de cent vingt-un navires de Hollande, cinquante de Hambourg, quinze de Brême, deux d’Emden. Chacun de ces navires avait déjà pris plusieurs baleines.

Pour tirer le parti le plus avantageux de leur pêche, les Hollandais