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EUSTACHE LESUEUR.

que de la main des barbares et par une résurrection comme le christianisme. Ce sont là des questions qui nous mèneraient loin, mais dont la solution serait toute à la gloire de Lesueur ; car plus nous reconnaîtrions combien est invincible l’impossibilité de toucher encore une fois la borne qu’atteignit un seul jour la peinture moderne, plus grande nous paraîtrait sa fortune de l’avoir approchée de si près.

Bien que ses contemporains n’eussent compris qu’à moitié l’œuvre qu’il venait de terminer, bien que personne ne l’imitât, il vit néanmoins s’accroître sa réputation, et l’opinion générale le plaçait déjà à un rang éminent, même parmi les peintres en faveur. Aussi lorsque, dans cette même année 1648, un arrêt du conseil institua l’Académie royale de peinture et de sculpture, on n’hésita pas à l’y faire entrer : il fut même choisi comme un des douze fondateurs désignés sous le titre d’anciens[1].

  1. Les onze autres étaient : Errard, Sébastien Bourdon, Laurent de Lahire, Sarrazin, Michel Corneille, Perrier, de Robrun, Juste d’Egmont, Van-Obstalt, Guillemin et Charles Lebrun.

    L’Académie se composait de vingt-cinq membres, savoir : outre les douze anciens, onze académiciens et deux syndics. Il y avait en outre un recteur. Le premier nommé fut M. de Charmois.

    L’Académie était la seule école de peinture et de sculpture autorisée. Les douze anciens faisaient la leçon, à tour de rôle, chacun pendant un mois.

    Pour apprendre la peinture et la sculpture, il fallait être admis comme élève de l’Académie.

    Pour exercer l’art de sculpteur ou de peintre, il fallait être agrégé de l’Académie. On était reçu agrégé après avoir fait ses preuves, c’est-à-dire après avoir exécuté un tableau et subi certains examens.

    Avant la fondation de l’Académie royale, il existait une institution du même genre, mais dont les statuts, fort anciens, avaient perdu leur autorité : on la nommait Académie de Saint-Luc. Elle tenait ses séances à Paris, dans le voisinage de Saint-Denis-de-la-Châtre. C’était une succursale de l’académie de Rome ; elle lui avait emprunté son nom. Un édit de jonction la réunit à l’Académie royale, en 1676. Néanmoins, elle continua à subsister comme Maîtrise des peintres et sculpteurs, mais elle n’existait plus que nominalement.

    La communauté des peintres et vitriers, profitant de ce que les priviléges de l’Académie de Saint-Luc n’avaient plus de force, se permettait de fréquens empiétemens sur les prérogatives de MM. les académiciens. Ce fut pour se mettre à l’abri de ces usurpations qu’on sollicita la création de la nouvelle académie. Elle avait donc principalement pour but de distinguer les peintres en bâtimens des peintres d’histoire. Mais, en protégeant les artistes contre les artisans, en les entourant d’une si haute barrière, que devait-il en résulter pour l’art ? C’était la question secondaire.