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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 août 1841.


Espartero n’a pas voulu laisser sans réponse la protestation de la reine Christine ; il s’est empressé de lui opposer un manifeste d’une incroyable longueur. L’écrivain du régent n’a pas été heureusement inspiré. Cette pièce que les hommes politiques attendaient avec quelque impatience, n’est point la réponse dédaigneuse et fière d’une révolution victorieuse ; c’est un factum prolixe, froid, déclamatoire, qui ôte aux argumens plausibles tout ce qu’ils avaient en eux-même de nerf et de portée.

Cette faiblesse est un fait remarquable. Il ne s’agit pas ici d’une question de forme : il serait ridicule de s’arrêter au point de vue purement littéraire. Pour nous, cette rédaction timide, énervée, n’osant pas serrer ses argumens et s’élancer fièrement vers le but, révèle un fait politique. Elle trahit les ménagemens qu’Espartero se croit obligé de garder, les incertitudes dont il est assailli, les craintes qui agitent son esprit. Ce n’est pas ainsi que parle le chef d’une révolution agressive et populaire, losque réellement il sent frémir sous sa main la puissance nationale, et que, se tournant vers ses ennemis, il peut, sans être ridicule, prononcer le terrible quos ego. Quel que soit alors le mérite littéraire de son langage, on y retrouve du moins le courage et la fierté de sa position. Bref parce qu’il ne daigne pas discuter, rapide parce qu’il méprise les ménagemens et marche droit au but, hautain et menaçant parce qu’il ne doute pas de l’énergie de ses amis et qu’il se tient pour assuré d’écraser ses adversaires, ce chef aurait, sans hésitation ni détour, jeté à la reine Christine des paroles analogues à celles-ci. Vous avez été vaincue, vous, votre système,