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REVUE. — CHRONIQUE.

Nous sommes convaincus que les conseils généraux et les chambres adopteront sans hésiter les principes développés par le ministre. Tout en laissant aux agens municipaux le droit et le soin de former les matrices communales, ils n’admettront pas que ces mêmes agens puissent confectionner les rôles qui règlent la répartition de l’impôt : autant vaudrait dire qu’une commune pourra déterminer elle-même sa quote part dans les charges qui doivent peser également sur tous.


— Des lettres récemment venues de Madrid donnent de tristes détails sur la situation intérieure de l’Espagne. De toutes parts, à Saragosse, à Ceuta, à Carthagène, à Alicante, des désordres éclatent et les populations s’agitent ; mais c’est à Barcelone que se passent les évènemens les plus sérieux et les plus faits pour fixer l’attention. Là, de nombreuses sociétés d’ouvriers se sont formées sous la direction d’habiles meneurs qui les ont admirablement disciplinées. À des signes connus, elles se réunissent, et leurs chefs portent leurs représentations à la connaissance de l’ayuntamiento et des autorités supérieures. Elles ont fait voir de quoi elles étaient capables par leur essai de barricades et par leurs demandes opiniâtres d’augmentation de salaires. Les fabricans, effrayés, se voyant dans l’impossibilité de résister, ferment leurs fabriques, et les ouvriers à leur tour brisent les métiers, ainsi que cela s’est vu à Sabadell. Si le gouvernement montrait quelque fermeté, on pourrait prévoir un terme à ces désordres. Malheureusement, il n’a opposé jusqu’à présent aucune résistance sérieuse aux progrès de l’anarchie, et le mal s’étend avec une effrayante rapidité. Une chanson populaire rend parfaitement, et avec le bon sens habituel aux Espagnols, la situation du pays :

Sin rumbo marcha el gobierno,
Sin rumbo el congreso va,
Sin rumbo vamos andando,
Sin rumbo en que parara ?


Sans direction va le gouvernement,
Sans direction va le congrès,
Sans direction nous nous en allons,
Sans direction où s’arrêtera-t-on ?

Et toute l’Espagne se demande en effet : Où s’arrêtera-t-on ? Au sein de cette désorganisation générale, le régent mène la vie d’un roi fainéant. Ses alentours, la duchesse de la Victoire, ses aides-de-camp, cherchent à ennoblir cette indolence. Le duc, disent-ils, règne et ne gouverne pas. Le régent a quelquefois d’assez étranges velléités de monarque absolu. Louis XIV au faîte