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VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

côtés du canal arabique, on répondrait par l’occupation de l’autre côté. Peut-être est-ce là un projet hardi et qui a besoin d’être éclairé par des études plus sérieuses que ne le sont les impressions des voyageurs, mais il est digne de fixer l’attention du gouvernement. Nos agens consulaires dans la mer Rouge, et l’un d’eux surtout, M. Fresnel, observateur si judicieux, seraient d’un précieux secours pour la direction de cette enquête.

L’Abyssinie septentrionale n’est plus, d’ailleurs, couverte d’un voile impénétrable. Depuis un siècle elle a été traversée à peu près dans tous les sens : des missionnaires luthériens s’y sont fixés, des Européens l’habitent. Les premiers voyages connus remontent aux Portugais et à Pierre de Covilham, qui demeura à Gondar et ne revit plus sa patrie. Le père Alvarez séjourna à son tour près de six années dans les états abyssins, et de retour en Europe, vers 1540, y publia une relation dans laquelle il ne faut puiser qu’avec défiance. Pendant le cours de ce siècle, l’Abyssinie fut livrée, pour ainsi dire, à des auxiliaires portugais dont ses rois avaient accepté les services contre les musulmans. À la suite des soldats avaient marché des missionnaires de l’ordre des jésuites, qui s’étaient emparés du pouvoir religieux pendant que les généraux imposaient une dictature militaire. C’est à cette époque qu’il faut rattacher plusieurs édifices d’un style évidemment européen qui se rencontrent dans les principales villes du Tigré et du Samen. D’autres monumens appartiennent à une civilisation antérieure, qui, suivant les uns, coïncidait avec celle de l’Égypte, et suivant d’autres remontait à l’établissement des Juifs en Abyssinie vers l’an 600 avant notre ère. Il est inutile d’ajouter que ce sont là de simples hypothèses, quoiqu’elles aient donné lieu à des recherches curieuses et à d’ingénieuses analogies.

Parmi les explorateurs qui se rattachent à la période portugaise, il en est trois qu’il serait injuste d’oublier. L’un, le père Fernandez, poussa ses découvertes jusque dans l’Anaria ou Narea, le Djingiro et le Cambat, c’est-à-dire vers des états de l’Afrique centrale que personne n’a revus après lui. Il espérait rejoindre ainsi l’Océan indien et aboutir à Mélinde, mais des obstacles insurmontables le forcèrent à revenir sur ses pas. Le second, le père Paëz, découvrit le premier les sources du Nil bleu ; le troisième, le père Lobo, erra long-temps chez les Gallas pour se dérober aux recherches des rois abyssins, et a laissé un intéressant récit de ses aventures. Après eux il se fait une lacune, et il faut arriver à la dernière année du XVIIe siècle pour retrouver en Abyssinie un Européen, le médecin Poncet, envoyé par