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VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

n’a pas été imprimée ; il faut y ajouter M. Rüppel, savant géologue et minéralogiste, M. Schimper, naturaliste allemand, le baron de Katte, MM. Graffs et Isenberg, pasteurs anglicans, M. Lefèvre, officier de marine, M. Kilmayer, M. Wellsted, M. d’Abadie, dont les vues sont plus particulièrement tournées vers la propagande catholique, enfin MM. Combes et Tamisier, qui ont récemment écrit sur l’Abyssinie un livre de compilations mêlées à quelques observations personnelles.

Puisque le nom de ces deux jeunes voyageurs se rencontre ici, on nous permettra d’exprimer le regret qu’ils n’aient pas pris leur rôle plus au sérieux. Avec un sentiment plus vrai des choses, ils n’auraient pas entrepris de corriger Bruce et Salt et auraient rendu plus de justice à ces voyageurs intelligens qu’ils ne faisaient guère que reproduire. La jeunesse n’excuse pas les appréciations légères, surtout quand elles portent sur des autorités respectables et consacrées. Plus d’une fois, pour donner plus de relief à leurs aventures, MM. Combes et Tamisier ont exagéré les obstacles qu’ils rencontraient, les difficultés qu’ils avaient à vaincre ; ils ont pris souvent les démonstrations inoffensives des naturels pour des menaces réelles, leurs petites ruses pour de la violence, et donné à l’invention une part trop grande dans les scènes de leur itinéraire. Le succès d’une relation ne se puise que dans les faits mêmes, et c’est surtout quand on est dépourvu du sentiment de l’art et de la forme qu’il faut se défier des écarts de l’imagination. MM. Combes et Tamisier ne se sont pas assez défendus de cet écueil, et un coup d’œil jeté sur des rapports plus récens prouve combien leur observation a été superficielle. Ainsi ils assurent avoir vu à Arkeko un naïb du nom d’Hetman, « bel homme, disent-ils, et plein de majesté. » Il n’y a jamais eu à Arkeko de naïb de ce nom : celui qui y commandait lors de leur passage se nommait Yaha-Aga, vieillard sec, maigre et maladif. Ainsi, dans le chiffre de six mille habitans qu’ils donnent à Gondar après M. Rüppel, ils demeurent de deux tiers au moins au-dessous de la vérité : la ville musulmane seule compte près de dix mille habitans. Tout l’ouvrage est semé d’erreurs pareilles. Les parties les plus irréprochables sont celles où les auteurs copient Salt et Bruce, et encore ont-ils le tort de défigurer d’une manière tout-à-fait arbitraire l’orthographe des noms que ces savans n’avaient adoptée qu’après des études approfondies et un long séjour sur les lieux. La carte de Salt elle-même n’a été appropriée à leur livre qu’avec des travestissemens dont aucun n’est sérieusement justifié.