lui seul est un agent de révolte, « il dévore le peuple vivant, il le couvre de pierres entassées et croit qu’il ne criera pas ; mais s’il se tait, les pierres crieront. » La propriété, « c’est l’usurpation, et l’esprit d’usurpation est l’esprit de meurtre ; » c’est lui qui a été homicide dès le commencement. Le Christ a réhabilité le vol et a protesté contre la propriété en mourant entre deux voleurs ; « mais son dernier soupir a bouleversé le monde, et la vie austère de ses disciples était un cri sublime qui demandait justice au ciel. » Tous ceux qui ont compris la loi du Christ ont cherché à réaliser sa pensée unique : la communauté ; mais les chrétiens sont des victimes qui gémissent vers Dieu, et qui n’ont pu jusqu’ici former que des communautés de douleurs.
« Pauvres et affamés, combien êtes-vous, et combien sont-ils ? Votre vie est une mort lente et honteuse ; échangez-la contre une mort prompte et glorieuse, ou contre une victoire qui vous fera vivre. Voilà ce que crie l’esprit exterminateur.
« Et moi, je pleure, et je me couvre la tête de cendre, et je crie à Dieu et au peuple : grace !… Et ils répondent : il n’y a plus de grace.
« Arrière, honnêtes gens engraissés de rapines, et qui avez fait des vertus à votre image ; arrière, hypocrites, qui partagez avec les voleurs, et qui prêchez la résignation à celui qu’on dépouille ; laissez passer la justice de Dieu.
« Car, je vous le dis en vérité, quiconque vous tue n’est pas un assassin, mais un exécuteur de la haute justice.
« Et celui qui vous reprend l’or dont vous vous êtes gorgés aux dépens des pauvres, n’est pas un voleur, c’est un huissier de Dieu qui vous contraint par corps à payer vos dettes.
« Puisque vous n’êtes plus comme des hommes, nous vous chasserons comme des bêtes féroces, et si vous avez dévoré nos père, peut-être ne dévorerez-vous pas nos enfans.
« Voilà ce que le peuple crie avec une voix pareille à celle de l’ouragan ; et moi je couvre mon visage de mes vêtemens déchirés, et je frissonne à l’odeur du feu et du sang[1]. »
Par respect pour nos lecteurs et pour nous-même, nous ne feuilleterons pas plus long-temps ces sanglantes pages, qui sont dans l’ordre politique ce qu’est dans l’ordre moral le monstrueux roman
- ↑ La Bible de la liberté, par l’abbé Constant, p. 3, 43, 85, etc.