Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/748

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
744
REVUE DES DEUX MONDES.

XVIIIe siècle et de la réforme politique de 89 ; elles n’invoquent ni règle ni pouvoir pour échapper à l’anarchie, et la raison humaine persiste à attendre d’elle-même, et d’elle seule, la solution des redoutables problèmes qu’elle a posés et qui l’écrasent. Mais voici que cette superbe confiance faiblit tout à coup devant la pluie du paupérisme et les tortures de la faim, et qu’on proclame, en matière d’industrie et de travail, des doctrines qui sont l’éclatante condamnation de tout un symbole. C’est que la société peut bien se résigner à porter le poids sans cesse croissant de ses douleurs intimes, c’est qu’elle peut traîner sans périr une vie sceptique et maladive, ballottée entre la hauteur de ses espérances et la stérilité de ses conceptions ; mais lorsque dans son sein se développent de grandes souffrances physiques, et que ses mœurs comme ses lois surexcitent tous les efforts et toutes les cupidités en semant partout d’amères déceptions, alors chacun comprend qu’il y a là quelque chose qui ne saurait durer, et les passions désorganisatrices entament l’ordre social par le côté qui leur assure une prise plus facile contre lui. Battue sur le terrain politique, l’école républicaine fait son évolution vers l’économie industrielle. Qu’est-il besoin de faire comprendre qu’un tel mouvement aurait les conséquences les plus sérieuses si un pouvoir intelligent hésitait à s’emparer, en temps utile, de maximes et de principes dont la prudente application est désormais au nombre de ses premiers devoirs ?

Les publications radicales dont nous venons de nous occuper constatent donc que la propagande démocratique se poursuit en France sous trois formes, et, pour ainsi parler, à trois degrés d’initiation différens.

La première de ces formes est toute politique, et vous pouvez l’étudier à toutes ses nuances dans les journaux quotidiens. On réclame des modifications plus ou moins étendues aux institutions constitutionnelles ; on s’attache à affaiblir le pouvoir, et, par une conséquence nécessaire, à fortifier la résistance qu’il rencontre ; cette résistance elle-même est érigée en principe dans l’administration locale comme au centre du gouvernement. À cette catégorie appartiennent toutes les propositions débattues au sein du parlement, depuis l’incapacité politique des fonctionnaires investis du mandat législatif jusqu’à la réforme électorale, expression générale dans laquelle ces propositions diverses se résument et viennent se confondre. Or, il suffit de suivre avec un peu de soin la manifestation de la pensée du radi-