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REVUE DES ARTS.

Voici la disposition de ces peintures, qui contiennent les scènes principales de la vie de saint Jean. Elles se composent de quatre morceaux, deux carrés et deux autres en ogive, placés au-dessus des premiers. Le premier tableau ogival, faisant face à l’autel, représente saint Jean et saint Pierre quittant leurs filets et suivant le Christ pour devenir des pêcheurs d’hommes. Le tableau dessous nous fait voir saint Jean devenu vieux, plongé dans une chaudière d’huile pour être boullu, comme les juifs ou les faux monnayeurs du moyen-âge ; mais les flammes s’éparpillent, et leurs langues vengeresses vont chercher les bourreaux, qui s’enfuient épouvantés. La femme qui tient un enfant par la main et un autre dans son bras est d’une grande beauté et d’une grande noblesse ; le saint a bien le caractère de sénilité convenable, et le groupe du proconsul et des licteurs, quoique rappelant un peu certaines portions du Saint Symphorien de M. Ingres, a une tournure et un aspect tout-à-fait dignes des maîtres. — En face, au-dessus de l’autel, on voit la Cène, avec les douze apôtres ; Jésus-Christ, placé au milieu, ayant à ses côtés le disciple bien-aimé et prononçant les paroles sacramentelles qui forcent un dieu à s’incarner dans un morceau de pain. Le saint Jean est de la plus rare beauté ; il étend ses bras sur la table avec un geste sublime d’amour et de douleur d’une nouveauté et d’une hardiesse superbes. — Le Judas, qui couve déjà la trahison dans son cœur, s’éloigne et jette un regard louche et jaloux sur le groupe sympathique du maître et du disciple. M. Flandrin n’a mis sur la table que l’agneau pascal et le calice, et s’est abstenu de rendre tous les détails du repas, couteaux, salières, coupes et flacons, assiettes et plats, traités avec tant de soin et d’affection par les anciens maîtres, lorsqu’ils avaient à rendre ce sujet. Il a peut-être métaphysiquement raison, car il ne s’agit ici que d’un repas mystique, mais il a eu tort sous le rapport pittoresque. Cette table, ainsi dégarnie, a quelque chose de pauvre et de mesquin.

Le tableau ogival supérieur nous montre saint Jean arrivé à une haute vieillesse et écrivant l’Apocalypse sous la dictée d’un ange, dans l’île de Pathmos. Ce morceau est le plus complètement réussi des quatre. Le saint Jean est fort beau avec son teint fauve, son immense barbe blanche et son corps sillonné par les ans et les austérités. L’ange a une fierté de mouvement et une autorité de geste admirables ; le coloris en est aussi plus satisfaisant.

La voûte est peinte en azur constellé d’étoiles d’or ; les nervures sont également coloriées, ainsi qu’un cul-de-lampe chimérique en ronde-bosse, portant sur une bandelette l’inscription : Gloria in ex-