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REVUE DES DEUX MONDES.

D’enfariner ainsi de blanc
Votre habit magnifique et de couleur foncée.
Vivre entre égaux, c’est là qu’est le bien seulement.
Je veux jusqu’à la mort garder cette pensée.
J’aime le garçon du moulin,
Et celui-là n’a rien à perdre sur mon sein.

L’eau reçoit toutes les confidences du meunier ; il lui conte ses peines, ses désirs, ses regrets, tout, jusqu’à ses illusions, que la nappe limpide promène en sa transparence, comme cette ombre vaporeuse des saules et des peupliers du bord. C’est entre le meunier et le ruisseau du moulin un échange perpétuel de plaintes amoureuses, un petit duo plein de mélancolie et de tendresse, une de ces cantilènes mélodieuses comme Bellini les aime.

L’ADOLESCENT.

Où vas-tu, clair petit ruisseau, — si gaiement ? — Tu cours d’une humeur si joyeuse et si leste, — en bas ; — que cherches-tu si vite — dans le vallon ? — Écoute un peu et me le dis.

LE RUISSEAU.

J’étais un petit ruisseau, jeune homme. — Vous m’avez — pris de manière que je dois lestement, — en fossé, — descendre là-bas au moulin, — et toujours suis agile et plein.

L’ADOLESCENT.

Tu cours d’une humeur placide — au moulin, — et ne sais pas ce que moi, jeune sang, — ici je sens ! — T’arrive-t-il que la belle meunière — te regarde parfois tendrement ?

LE RUISSEAU.

Elle ouvre de bonne heure, au point du jour, — sa porte, et vient pour baigner son frais visage ; — sa gorge est si pleine et si blanche ! — j’en deviens si chaud, que je fume.

L’ADOLESCENT.

Ah ! si dans l’eau elle allume — le feu d’amour, — comment trouver le repos quand on est — de sang et de chair. — Quand on l’a vue une fois seulement, — hélas ! il faut toujours aller vers elle.

LE RUISSEAU.

Puis je me précipite sur les roues — avec fureur, — et les ailes virent — à grand fracas. — Depuis que la jeune fille travaille, — une force meilleure anime l’eau.

L’ADOLESCENT.

Ah ! pauvret, tu ne sens pas la douleur — comme les autres. — Elle te