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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

hardi qui, poussé par ses libres instincts, aborde les ténèbres de son propre gré et poursuit, à travers les dangers et la misère, sa vie de labeurs et de sacrifices. Les lieds de mineurs, toute cette longue série de fables et de légendes qui se rattachent en Allemagne à chaque montagne, ne doivent qu’à cette liberté leur existence merveilleuse. La magie, ici, se mêle à la religion ; la contemplation de la nature, une fois lancée à travers ces mondes nocturnes du granit, ne s’arrête plus et va jusqu’aux enchantemens, de telle façon qu’il en résulte le plus bizarre amalgame de christianisme et de sorcellerie, la plus amusante mythologie, composée du reste comme toutes les mythologies, d’élémens excentriques, hétérogènes, que l’imagination populaire assemble et groupe autour du foyer de la tradition. L’homme de la montagne accomplit une œuvre mystérieuse et va parcourant les profondeurs de la terre à la recherche des pierres fines et des métaux ; la Providence le guide, il l’invoque et croit en elle comme le laboureur, et, comme celui-ci, ne manque pas, dans ses chants, de faire de sa besogne le symbole de l’histoire universelle du cœur humain. L’ame pleine de confiance en Dieu, il abandonne la tiède surface de la terre, tourne le dos à la lumière du soleil, à la vie organique, et descend loin du sol que le jour éclaire, loin du théâtre social, se bâtir un monde à lui, un monde singulier, tout peuplé d’incantations et de prodiges. Là rôdent incessamment des chiens noirs monstrueux, gardiens de trésors enfouis ; là des baguettes enchantées, roseaux merveilleux où se déroulent des couleuvres à l’œil de diamant, ondulent au vent des solitudes ; là trônent les rois des métaux au milieu de nains difformes et de kobolds haineux et malfaisans : inventions fabuleuses où les dogmes de l’église, ainsi que nous le remarquions plus haut, interviennent toujours de la plus étrange manière.

Le mineur est d’ordinaire un enfant de la Bohême qu’une irrésistible vocation entraîne vers les secrets de la nature ; une curiosité sans bornes, la fièvre dévorante de connaître, le prend au sortir du berceau et ne lui laisse plus de trêve. Il veut savoir quelles richesses contiennent les montagnes de granit dans leurs entrailles, où filtrent les gouttes de cristal dont les sources vives s’alimentent, où dorment les masses d’or et d’argent, où flamboient les pierres précieuses dont le regard fascine les hommes. Le dimanche, après l’office, il s’attarde à plaisir devant l’autel et demande aux vases sacrés des nouvelles de leur origine. Souvent on lui a dit que ces trésors venaient de lointains climats, et toujours il s’étonne que nos contrées n’en produi-