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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/862

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REVUE DES DEUX MONDES.

sent point de semblables. Les questions qu’il s’adresse lui-même là-dessus ne tarissent pas. Les montagnes seraient-elles donc si vastes et si profondes ? La nature en eût-elle si puissamment défendu l’entrée au dehors, si des richesses innombrables ne s’amoncelaient au dedans ? et lui-même, dans ses excursions solitaires à travers les rochers, n’a-t-il pas trouvé maintes fois des pierres transparentes et jaspées, échantillons vulgaires d’autres joyaux plus précieux ? Les montagnes n’ont pas une fente qu’il ne visite ; il grimpe dans les crevasses, pénètre dans les grottes, et ne se sent pas d’aise aussi souvent qu’il lui arrive de se trouver seul, égaré, perdu dans quelque immensité souterraine au milieu des cascades qui murmurent et les girandoles de stalactites. Un beau jour cependant, il rencontre un étranger qui l’invite à prendre l’état de mineur, et lui donne par là le secret d’apaiser la curiosité qui le dévore. Les montagnes ne manquent pas en Bohême ; il descend le cours du fleuve, et se trouve bientôt en présence d’une mine qu’on exploite, d’une de ces vastes fourmilières où des hommes armés de lampes sourdes pullulent comme des insectes lumineux. Le camarade annonce au maître mineur le projet qu’il a de s’enrôler dans la confrérie ; on l’accueille avec joie, on l’équipe, et le voilà vêtu de la casaque grise, muni d’une lanterne, qui se laisse glisser dans le gouffre ; non sans avoir d’avance prié Dieu de le préserver des assauts et des maléfices des esprits souterrains. Il traverse des sentiers nombreux, d’inextricables labyrinthes, interrogeant toujours son guide qui ne se lasse pas de répondre à ses questions. Plus il s’éloigne du sol des vivans, plus il s’avance dans la profondeur et les ténèbres, plus son contentement augmente ; il entend sourdre l’eau dont le murmure se mêle au bruit monotone et lointain de ses frères qui travaillent. Il touche au comble de ses vœux ; satisfaction étrange d’un besoin instinctif, joie unique puisée en des élémens sympathiques à notre propre nature, en des travaux pour lesquels nous sommes nés, vers lesquels nous nous sentons portés d’enfance ; volupté bizarre qu’on ne saurait expliquer ni décrire !

À force d’épreuves et de travaux, l’ouvrier mineur se distingue, et peu à peu gagne la bienveillance du maître, qui lui ouvre la porte de sa maison. Là respire une douce enfant de quinze ans, pleine de grace et d’innocence, une de ces blondes filles d’Allemagne, au front pur, à l’œil bleu comme le ciel, au regard transparent. Les deux jeunes gens s’accoutument l’un à l’autre : on se voit tous les jours, on cause, on rit ensemble ; enfin, un soir, au puits, leurs mains se