Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/973

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



ESPAGNE.

DÉPART.

Avant d’abandonner à tout jamais ce globe,
Pour aller voir là-haut ce que Dieu nous dérobe,
Et de faire à mon tour au pays inconnu
Ce voyage dont nul n’est encor revenu,
J’ai voulu visiter les cités et les hommes,
Et connaître l’aspect de ce monde où nous sommes.
Depuis mes jeunes ans d’un grand désir épris,
J’étouffais à l’étroit dans ce vaste Paris ;
Une voix me parlait et me disait : « C’est l’heure ;
« Va, déracine-toi du seuil de ta demeure ;
« L’arbre pris par le pied, le minéral pesant,
« Sont jaloux de l’oiseau, sont jaloux du passant,
« Et puisque Dieu t’a fait de nature mobile,
« Qu’il t’a donné la vie, et le sang, et la bile,
« Pourquoi donc végéter et te cristalliser
« À regarder les jours sous ton arche passer ?
« Il est au monde, il est des spectacles sublimes,
« Des royaumes qu’on voit en gravissant les cimes,
« De noirs Escurials, mystérieux granits,
« Et de bleus océans, visibles infinis.
« Donc, sans t’en rapporter à son image ronde,
« Par toi-même connais la figure du monde. »