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REVUE. — CHRONIQUE.

quons encore la clarté de l’orchestre, la grace toute naïve et transparente des ritournelles instrumentales où vous sentez comme une influence de Mozart.

L’Opéra-Comique travaille de toutes ses forces à combler le vide que laisse dans son répertoire la retraite de Mme Damoreau. Deux cantatrices sont à l’œuvre pour tenir tête à l’emploi de l’ancienne prima donna : Mme Thillon, qui voudrait bien la remplacer dans les rôles à vocalisations ambitieuses, Zanetta et le Domino Noir, et Mme Rossi, qui tire de son côté les créations plus tranchées, plus musicales. Mme Damoreau mêlait à son talent de virtuose italienne un certain instinct du vaudeville français qui la rendait fort précieuse à l’Opéra-Comique. C’est à cet instinct que Mme Thillon en veut, c’est là qu’elle réussirait par la gentillesse de sa figure et les minauderies de sa personne, sans l’ignorance complète où elle est de toute méthode, et surtout sans cet horrible accent anglais qui gâte ce qu’elle chante plus encore que ses trilles heurtés, ses points d’orgue à perte de vue et ses incroyables gammes chromatiques. Il s’en faut que Mme Thillon fasse oublier Mme Damoreau dans Zanetta, et nous ne lui conseillerions pas après une telle épreuve de s’aventurer dans le Domino Noir. Mme Rossi vient d’aborder l’Ambassadrice avec plus de bonheur. Sans être une cantatrice d’un ordre bien éminent, Mme Rossi tient son emploi avec distinction, depuis son retour d’Italie du moins ; déjà dans la Dame Blanche, on avait pu remarquer ses progrès. Le charmant rôle d’Henriette lui a fourni l’occasion d’un nouveau succès ; Mme Rossi chante cette musique avec aplomb, éclat, agilité. On n’en peut dire autant de la manière dont elle joue ; son dialogue est embarrassé, son geste lourd et dénué de distinction ; mais, sitôt que les duos et les cavatines reparaissent, la cantatrice se relève et fait merveille, et si plus d’une intention spirituelle, plus d’une de ces notes coquettes que Mme Damoreau savait si bien jeter, reste dans l’ombre, disons, pour être justes, que la voix de Mme Rossi, sonore, accentuée, vibrante, donne à certains morceaux une expression dramatique, un sens musical, qu’on ne leur soupçonnait pas.


— Au nombre des publications grecques que reproduit avec tant de libéralité et de zèle l’honorable librairie de M. Firmin Didot, il en est une qui mérite d’être relevée et où se trouve plus d’une particularité qu’on n’irait pas y chercher. M. le docteur Piccolos a traduit depuis bien des années déjà, Paul et Virginie en grec moderne ; il vient d’en donner une seconde édition fort corrigée et augmentée. Cette traduction ainsi que les autres travaux de M. Piccolos a pour but d’aider à la culture littéraire de ses compatriotes, et de rendre à la langue grecque moderne l’habitude d’exprimer des images et des idées dont elle avait trop perdu le maniement. En s’éloignant de sa source classique et en passant par une sorte de moyen-âge, la langue grecque s’est nécessairement altérée, elle s’est surtout appauvrie ; il s’agit de lui restituer toute son étendue et sa souplesse. M. Piccolos, témoin du réveil de l’indépendance, ancien professeur de philosophie à l’académie de Corfou, n’a cessé, pour son compte, de travailler à cette espèce de restitution classique de la plus noble des langues ; il a commencé par la traduction du Discours sur la méthode