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DES PARTIS EN FRANCE.

j’en vois d’autres qui se tenaient prudemment à l’écart, et qui marchandaient au gouvernement tous ses moyens de salut. J’en vois même qui figuraient ouvertement dans les rangs opposés et qui signaient le compte-rendu. Il ne faut pas croire d’ailleurs que ce soient là de simples unités venant s’ajouter à un tout immobile et compact. Pendant que la droite faisait des recrues, elle faisait aussi des pertes, et voyait successivement s’éloigner d’elle quelques-uns des hommes qui avaient combattu à sa tête. Il vint ainsi un jour où, par un contraste singulier, les anciens chefs du parti du 13 mars et du 11 octobre se trouvèrent dans l’opposition, tandis que les restes de ce parti se ralliaient à la voix de ministres et d’orateurs dont les plus éminens avaient, sous le 13 mars et sous le 11 octobre, attaqué sa politique et décrié ses mesures. Ce jour-là, à vrai dire, l’ancien parti du 13 mars et du 11 octobre avait cessé d’exister.

Je n’entends point rechercher quels motifs ont pu déterminer les uns ou les autres à changer de situation. Ceux qui se sont joints à la droite, comme ceux qui l’ont quittée, ceux qui ont cru, en 1836, le moment venu de porter secours à l’ordre, comme ceux qui ont jugé que ce secours était tardif, et qu’il y avait alors d’autres dangers à conjurer, tous, je le crois, ont agi honorablement, consciencieusement : tout ce qu’il importe de constater, c’est que le parti conservateur actuel n’est point celui de 1831 et 1839 ; c’est qu’à des époques diverses il s’est au contraire formé de couches fort peu similaires et d’élémens qui n’ont rien d’analogue. Si ces couches se sont fortement attachées l’une à l’autre, si ces élémens se sont solidement agglomérés, c’est par l’effet d’une compression toute récente, et sans que le temps y soit pour rien.

Voilà pour les antécédens. Quant aux opinions, la dissemblance est plus frappante encore.

Au temps même de son union la plus intime, le parti conservateur, je l’ai déjà indiqué, comprenait des opinions très différentes. Tout le monde combattait pour l’ordre ; mais, pour les uns, le rétablissement de l’ordre matériel était l’unique prix de la victoire, tandis que les autres portaient plus loin leurs espérances et leurs vues. Ce n’est point d’ailleurs du même œil que tous envisageaient la révolution de juillet. Aux yeux de quelques-uns, il y avait deux parts à faire dans cette révolution, l’une bonne, le changement de dynastie et le déplacement du pouvoir ; l’autre mauvaise, ou au moins fort dangereuse, le progrès du principe démocratique et le développement des libertés publiques. Gouvernement parlementaire, liberté de la presse,