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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

mis en avant pour personnifier les deux partis, Narvaez et Cabrera ? Une telle alliance est-elle possible ? Ne serait-ce pas arborer en quelque sorte l’anarchie et la confusion ?

Sans doute l’avenir n’est pas entièrement fermé à l’ancien parti carliste ; mais ce n’est pas comme parti distinct qu’on doit désirer de le voir se relever. Il y a une grande différence entre la situation du parti modéré et celle du parti carliste, quoiqu’ils paraissent confondus maintenant dans une même proscription. Le principe même du parti carliste a été exclu ; celui du parti modéré ne l’est pas. La reine Christine n’a pas emporté avec elle tout le symbole du parti modéré, comme don Carlos a emporté tout le symbole du parti carliste. Tant que la reine Isabelle reste sur le trône, le vrai drapeau des modérés restera debout ; ils ne sont inconciliables qu’avec Espartero. Il y aurait donc une sorte de duperie à eux d’admettre le parti carliste sur le pied d’égalité. Ce serait d’autant plus maladroit que ce serait dangereux et inutile. Nous venons de voir en quoi ce serait dangereux ; voici maintenant en quoi ce serait inutile. Si jamais il s’établit un gouvernement en Espagne, la grande masse de l’ancien parti carliste viendra d’elle-même au secours de ce gouvernement. Elle a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’elle ne demande que de la protection contre les innovations du radicalisme et le désordre matériel. Ce genre d’adhésion n’aurait aucun danger de la part du gros du parti. Quant aux chefs de l’insurrection absolutiste, il est à la fois honorable et politique de ne point chercher leur appui ; leur cause est unie avec celle de don Carlos lui-même et de tout ce que représente don Carlos.

Restent deux prétendans qui peuvent également être acceptés par tout le monde : un Cobourg et un fils de l’infant don Francisco. C’est une singulière destinée que celle de cette maison de Cobourg, qui profite avec tant de persévérance, depuis dix ans, des complications de la politique européenne. Voilà trois princes de cette maison qui sont déjà rois ou maris de reine ; l’un est le roi des Belges, le second est le mari de la reine d’Angleterre, le troisième est roi-consort du Portugal. Il serait très possible qu’un quatrième épousât la reine d’Espagne. Celui dont il est question est catholique ; c’est un frère de Mme la duchesse de Nemours et du roi de Portugal, neveu du roi Léopold et cousin du prince Albert. Un des fils de l’infant don Francisco se recommande à d’autres titres ; il est Espagnol et Bourbon. Quel que soit celui des deux que l’Espagne préfère, et quel que soit en général le mari de la reine Isabelle, ce qu’il y a d’excessif et de tendu dans la situation actuelle cessera très probablement à son avénement, ou au plus tard à l’époque de la majorité de la reine. Quoi que fasse la politique anglaise pour confisquer encore à son profit cet incident, il est bien difficile que son échafaudage ne s’affaisse pas alors par quelque côté, et qu’il n’y ait pas place à des influences moins exclusives, moins étroitement passionnées que celles qui dominent aujourd’hui à Madrid.

Un seul évènement pourrait éloigner encore cette désirable issue. C’est