d’apprendre ce qui s’est fait sous son consulat. Cicéron ne sera jamais pour eux qu’un faiseur d’oraisons, César qu’un faiseur de commentaires. Le consul, le général, leur échappent : le génie qui anime leurs ouvrages n’est point aperçu, et les choses essentielles qu’on y traite ne sont point connues. »
Ce fut ainsi que Saint-Évremond fit la campagne de Rocroy, moitié lieutenant, moitié secrétaire du prince, philosophant de compagnie avec le duc dans l’intervalle de deux rencontres, et commentant César, son épée entre les jambes.
De retour à Paris, il fit enfin le premier pas dans la carrière des lettres, mais par manière de passe-temps, pour se divertir lui et ses amis, sans la moindre prétention au titre d’auteur, en homme au contraire qui défendait la langue des honnêtes gens contre celle des écrivains de métier. Bientôt il courut par la ville une satire manuscrite intitulée : Comédie des Académistes pour la réformation de la langue française. Alors comme aujourd’hui, le fauteuil académique était le point de mire des moqueurs et des plaisans, quoique pour d’autres raisons. Notre Académie à nous, race d’enfans en révolte qui se prétendent émancipés, n’a plus guère qu’une vie de convention. En dehors des représentations quasi solennelles qu’elle donne encore de temps à autre, son rôle est de peu d’importance ; et si elle s’avisait d’élever la voix, fût-ce pour hasarder un conseil, elle prêcherait à coup sûr dans le désert, maintenant qu’il n’est plus si petit auteur qui ne dise ne relever que de Dieu et de sa plume, quand plume il y a, et encore Dieu n’est-il pas toujours de la partie ! Mais, du temps des académistes, fraîchement éclose de dessous la robe rouge de Richelieu, dans toute la verdeur d’une institution nouvelle, et fière encore d’avoir soumis le Cid à sa férule, l’Académie régentait le Parnasse avec la morgue et la raideur d’un tribunal sans appel. Elle donnait le mot d’ordre à l’hôtel Rambouillet, qui l’aidait à « purger le langage, » et ses décisions, colportées de ruelles en ruelles, étaient autant d’arrêts contre cette pauvre langue de Rabelais, de Brantôme et de Montaigne, qui, laissant aller chaque jour quelque débris de ses graces et de sa naïveté gauloises, s’apprenait à se tenir bien droite et bien majestueuse pour recevoir, en grande dame, le grand siècle et le grand roi.
L’audacieuse satire des Académistes attaquait de front la phalange réformatrice, et le strict incognito que gardait l’auteur aiguillonnait encore la curiosité publique, déjà piquée au vif par un vers franc d’allure, une raillerie pleine à la fois de sens et de sel, par je ne sais