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REVUE DES DEUX MONDES.

Le lac de Nicée peut rivaliser avec ceux de la Suisse occidentale, de Neufchâtel et de Bienne, à plusieurs égards ; mais qui me donnera ces villes charmantes, ces nombreux villages, cette belle culture de la Suisse, ces bateaux à vapeur ? Ici à peine y a-t-il une mauvaise barque de pêcheur ; nous n’avons point osé nous y aventurer. Le poisson du lac de Nicée est très bon j’avais trouvé à en acheter dans une course sur les bords ; mon plat fut très bien accueilli par la troupe des voyageurs, peu accoutumée depuis long-temps à un pareil régal.

Il était temps, pour le repos d’un ou deux de nos jeunes gens, que nous quittassions Nicée ; notre hôte avait une fille charmante de seize à dix-sept ans ; nous n’avions pas vu en Turquie de plus jolie Grecque : elle était accomplie. Le père et la mère semblaient parfaitement comprendre le mérite d’un pareil trésor, et le surveillaient de très près, de sorte que tout s’est réduit, de la part de nos amoureux, à des soupirs, et ils n’ont gagné à leur manége que des plaisanteries que nous ne leur avons pas épargnées.

Nicomédie.

Nous nous sommes dirigés sur Nicomédie par une route de montagne plus courte que celle de Sabandja, que M. Texier avait suivie dans un autre voyage. On passe, à peu de distance de Nicée, auprès d’un obélisque tumulaire antique. Nous nous sommes ensuite élevés dans les montagnes, et, après beaucoup de détours, nous avons atteint une corniche d’où l’on découvre à la fois, au-delà du lac de Nicée, toute la chaîne de l’Olympe, le golfe de Nicomédie, et Constantinople dans le lointain ; le sommet de l’Olympe, qui nous avait tenu rigueur jusqu’alors, était ce jour-là parfaitement découvert. Notre joie, en apercevant le terme de notre tournée, le lieu où nous attendaient nos lettres de France, fut grande, comme tu peux l’imaginer. Tout le reste de la journée, nous marchâmes dans les bois ; j’y trouvai plusieurs arbustes rares, entre autres un rhododendron. Notre dernier kief eut lieu sous de beaux ombrages ; les oignons crus et les œufs durs y tinrent encore leur place. Nous couchâmes au café de Kasikli, sur le bord du golfe.

Nous n’étions plus qu’à une heure et demie de Nicomédie (Ismid) par mer ; nous en mîmes six à y arriver avec nos chevaux en longeant le golfe et ses marais. À un quart de lieue de la ville s’élève un poteau bariolé de diverses couleurs et servant à indiquer la distance à la manière des pays du nord de l’Europe ; l’établissement de