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REVUE MUSICALE.

se résout, après avoir fourni sa carrière, en un adagio plein de mélancolie et de tendresse. Cependant la flamme de Vesta s’éteint, la prêtresse abattue tombe au pied de l’autel, Decio s’enfuit épouvanté, prêtresses et flammes surviennent, et la grande scène du finale commence. À tout prendre, ici se présentait la seule difficulté de l’ouvrage, le seul endroit où le souvenir de Spontini fût vraiment redoutable pour Mercadante. Et, disons-le tout d’abord, Mercadante s’est tiré de ce pas dangereux en homme d’esprit au moins autant qu’en maestro consommé. Si l’on y réfléchit, il y avait deux manières d’aborder cette situation, deux styles entre lesquels le musicien pouvait à bon droit hésiter : le style dramatique et le style admiratif, l’un tumultueux, puissant, presque toujours certain de son effet ; l’autre froid, impassible sans doute, mais grandiose, sacerdotal, et plus conforme peut-être à la majesté du lieu. Spontini avait pris le premier, c’était une raison pour que Mercadante choisît le second.

Détachez ces bandeaux, ces voiles imposteurs,
Et livrez la prêtresse coupable
Aux mains sanglantes des licteurs,

a dit Spontini, on sait avec quel entraînement, quelle chaleur dramatique, quelle irrésistible puissance du mouvement et du rhythme. Mercadante, lui, s’inspire autrement de la situation ; il n’agit pas, il contemple ; les anathèmes viendront à leur temps ; la première idée de son flamine est pour les cieux ; il pense à la déesse avant de frapper l’indigne vestale :

La dea si plachi, o Roma !
Più Roma non sara.

De là une phrase grandiose, épique, sublime, chantée d’abord par Metello seul, puis reprise à l’unisson par le chœur tout entier, une période ample et magnifique, d’une expression à la fois religieuse et foudroyante, et qui vous entraîne par sa force mélodique plus encore peut-être que le rhythme de Spontini. Ainsi des deux côtés, la même situation étant donnée, c’est l’opéra français qui a le rhythme, et l’opéra italien la phrase admirative. Étrange caprice des temps et de la mode. À cette scène succède le véritable finale, qui se passe cette fois, non plus dans le temple, comme dans l’opéra de Spontini, mais sur la place publique, en plein forum, au milieu du peuple et des licteurs. On le voit, le morceau se coupe ici en deux ; il est vrai de dire que la situation se complique d’incidens plus nombreux que dans le poème de M. de Jouy. Il s’agit maintenant de faire le procès aux deux amans sacriléges. Emilia commence par se déclarer seule coupable ; Decio la disculpe et s’efforce d’attirer à lui le châtiment ; sur quoi le consul, qui se trouve être le père du jeune triomphateur, s’apprête à suivre les traditions du vieux Brutus, et condamne son fils, en dépit de toutes les belles choses que lui chante