Du Bartas, en se fourvoyant de la sorte, donnait sa mesure et sa limite comme poète. Il se flattait de faire une grande composition non-seulement épique ou héroïque, mais, comme il disait, en partie panégyrique, en partie prophétique, en partie didascalique : il ne faisait qu’une grosse compilation rimée. Ronsard, qui ne mourut qu’en 1585, et qui vécut assez pour en avoir connaissance, dut se sentir rassuré. Sans doute il était facile, et il le serait encore, de détacher d’assez beaux fragmens de cette Babel disproportionnée. La fameuse description du cheval semble faire assaut à celle de Job, et faire appel à celle de M. de Buffon. Pourtant, le plus sûr avec Du Bartas est de se rabattre à des rapprochemens moins ambitieux, et de ne lui opposer par momens que Racine fils dans le poème de la Religion, ou Delille dans les Trois Règnes. Comme ce dernier, mais avec plus de chaleur de cœur, il a été le poète d’un parti ; comme lui aussi, mais avec plus de sérieux, il a visé à rimer tous les arts et toutes les sciences. Au XVIe siècle comme au XVIIIe, l’Encyclopédie était la marotte ; on retrouve le mot comme la chose en Du Bartas. Regrettant le concert heureux qui précédait la confusion des langues, il dit :
......Et, montant d’art en art,
Nous parvenions bientôt au sommet du rempart,
Où l’Encyclopédie en signe de victoire
Couronne ses mignons d’une éternelle gloire[1].
Les critiques qui accueillirent la seconde Semaine furent assez vives d’abord pour que Du Bartas jugeât à propos d’y répondre. On a de lui un Brief Advertissement imprimé à Paris dans l’année même (décembre 1584) ; le libraire L’Huillier prend sur lui de le publier, dit-il, bien que l’auteur n’ait songé qu’à écrire à un ami. Du Bartas cherche à se justifier en premier lieu sur le titre et l’argument de son œuvre ; il s’appuie et renvoie pour autorité au dernier chapitre de la Cité de Dieu de saint Augustin, d’où il a pris cette idée de journées
- ↑ Dans le livre intitulé Babylone. — Cette idée d’Encyclopédie se rattachait si naturellement à l’œuvre de Du Bartas et aux commentaires qu’on en avait faits, qu’au nombre des traductions assez nombreuses publiées à son sujet en Angleterre, et dont je parlerai, je note celle-ci : A learned Summary upon the famous Poem of William of Salust lord of Bartas, wherein are discovered all the excellent secrets in metaphisical, phisical, moral and historical knowledge (Londres, 1621) ; le tout pour rafraîchir, est-il dit, la mémoire des savans, et pour aider et abréger les études des jeunes gentilshommes : un vrai manuel pour le baccalauréat du temps.