l’amiral commandant les forces navales de la Chine dans ces parages ; mais, soit qu’il fût lui-même presque toujours intéressé dans le commerce de contrebande, soit, et je le croirais assez volontiers, que l’entreprise lui parût trop hasardeuse, il n’y eut jamais, jusqu’en 1839, un commencement d’exécution. Chaque année, au revirement de la mousson, quand les vents de sud-ouest rendaient l’ancrage de Lintin dangereux, les navires entreposeurs allaient mouiller à l’abri de l’île d’Hong-Kong. L’amiral chinois attendait que ce mouvement eût lieu, et il ne manquait pas d’annoncer alors emphatiquement à sa cour que les barbares s’étaient enfuis devant la redoutable bannière de l’empereur, et qu’il n’en restait plus un seul à Lintin.
Cependant la cour de Pékin commençait à s’impatienter. Les réclamations des agens anglais l’avaient fatiguée, exaspérée. Des rapports, vrais enfin, lui parvenaient sur l’accroissement du commerce d’opium. Toutes les causes d’inquiétude dont j’ai parlé plus haut agissaient avec plus de force sur l’esprit du gouvernement. C’est alors que le haut commissaire Lin fut envoyé à Canton avec de pleins pouvoirs et qu’arriva la catastrophe du mois de mars 1839.
Je vous dirai ici quelques mots des diverses opinions et des divers projets proposés au gouvernement chinois par les différentes autorités de l’empire qui ont eu à s’occuper de la question de l’opium. Ces documens prouvent combien est peu fondée l’assertion des Anglais, lorsqu’ils disent que le commerce d’opium était toléré par le gouvernement chinois, et qu’après l’avoir encouragé, il avait mauvaise grace à vouloir le supprimer. Que quelques autorités subalternes aient été de connivence avec les contrebandiers, je ne le nie pas, mais ces délits des agens du gouvernement chinois ne compromettent pas plus le gouvernement lui-même que l’administration en France n’est compromise parce qu’un garde ou même un inspecteur de la douane du Havre aura favorisé l’introduction d’une marchandise prohibée.
Je suis fâché de ne pouvoir mettre sous vos yeux tous les documens envoyés à la cour de Pékin par les autorités chinoises qui se sont succédées dans le gouvernement et dans les emplois administratifs de la province de Canton. Je vous assure qu’il en est plusieurs qui exciteraient, à juste titre, votre admiration, et vous verriez que, quoique nos excellens ouvrages sur l’économie politique ne soient pas connus des Chinois, ils ne sont pas cependant si ignorans des véritables principes de cette utile science qu’on pourrait le penser à Paris et à Londres.
En 1836, Hen Nactse, vice-président de la cour des sacrifices, et, il y a quelques années, grand juge de la province de Canton, adressa un mémoire à l’empereur, pour démontrer la nécessité de légaliser le commerce d’opium. Il s’appuyait sur l’impossibilité reconnue de faire cesser ce commerce ; il démontrait que plus les lois sur l’opium avaient été sévères, plus l’introduction en avait été considérable. En maintenant la législation actuelle, dit Nactse, on s’expose à voir disparaître de Chine tout l’argent qui y était jadis si abondant. Autrefois les étrangers venaient à Canton y acheter des thés, et ils donnaient en échange des piastres et peu de marchandises. Au-