jourd’hui, non-seulement ils apportent plus de marchandises qu’ils n’exportent de thés, mais encore, comme le commerce d’opium est obligé de se cacher, il s’ensuit qu’il se fait contre de l’argent, et non plus par échange. « Il est prouvé, ajoute-t-il, que lors même que l’empereur fermerait le port de Canton, l’introduction de l’opium trouverait d’autres débouchés. Les navires barbares, étant en pleine mer, peuvent choisir pour entrepôt une des îles voisines de la côte, où les embarcations chinoises iront facilement les trouver. Dernièrement, ces navires étrangers ont visité tous les ports de Fo-kun, Chekeand, Keangnan, Shantung ; ils sont même allés jusqu’à Teentsin (dans la rivière de Pékin) et à Mantchouria, pour y vendre de l’opium, et, quoiqu’ils aient été chassés par les autorités locales, il n’en est pas moins certain que la quantité d’opium vendue est considérable. Ainsi, lors même que le commerce du port de Canton serait interrompu, il ne serait pas possible d’empêcher l’introduction clandestine des marchandises. »
Hen Nactse propose en conséquence d’établir des droits d’importation sur l’opium, et de prohiber l’exportation de l’argent étranger (les piastres), comme celle du sycee (argent chinois en petits lingots). Les hanistes seraient tenus de n’acheter l’opium qu’en échange de marchandises. Il propose ensuite, après avoir régularisé l’introduction de l’opium, des peines infamantes contre tous ceux qui seront reconnus coupables d’en faire usage.
« Ainsi, dit-il, le vice sera déraciné par degrés, le trésor ne perdra pas les droits sur une marchandise qui s’importe à une aussi grande valeur ; l’argent ne sortira plus du territoire de l’empire céleste. Il est juste que l’or y soit commun comme la poussière. Si on persévère dans le système actuel, si les réservoirs de la fontaine centrale, réservoirs qui sont loin d’être inépuisables, vont chaque jour se vider dans l’immense gouffre des mers extérieures, nous serons bientôt réduits à un état dont je n’ose parler. »
Hen Nactse termine son mémoire par une curieuse observation :
« Si quelque personne, dit-il, pensait qu’il serait dérogatoire à la dignité du gouvernement de faire cesser les prohibitions existantes, je lui demanderais si elle ne sait pas que les plaisirs de la table et du lit, pris avec excès, peuvent aussi nuire à la santé : ces toniques puissans, le footzee et le wootoo, ne possèdent-ils pas aussi des qualités vénéneuses ? et cependant ont-ils jamais été prohibés ? D’ailleurs, l’abrogation de ces prohibitions ne regarde que le bas peuple, ceux qui n’ont pas de devoirs officiels à remplir. Tant que les officiers de l’administration, les lettrés et les militaires n’ont rien à faire avec ces changemens, je ne vois pas que la dignité du gouvernement soit compromise ; et, en proposant l’introduction de l’opium et l’échange de cette drogue contre d’autres marchandises, on empêchera annuellement plus de 10 millions de taëls (le taël vaut environ 7 francs) de sortir de la terre centrale. De quel côté est le gain ? de quel côté est la perte ? »
Les autorités de Canton, auxquelles le mémoire d’Hen Nactse fut présenté pour qu’elles donnassent au gouvernement leur opinion sur ces matières, recommandèrent d’adopter le plan proposé par lui, ajoutant que la loi qui autorise