tége. Ce Richelieu de l’Angleterre, Richelieu éphémère, instrument et jouet d’une tyrannie qui sut le briser, c’était Wolsey se rendant à la cour du roi son maître, Henri VIII. La magnificence du visir répondait à la grandeur du sultan. La plupart des prélats présens dans la capitale se croyaient obligés de l’accompagner. Le bruit des trompettes annonçait sa venue ; le bourgeois et la City-madam[1] se rangeaient, le bonnet à la main et le front baissé. Enfin la procession était fermée par vingt mules portant des coffres recouverts de caparaçons pourpres frangés d’or. L’imprudent Wolsey ne prévoyait pas que l’opulence de cette proie tenterait un jour l’une des convoitises de son maître, qui les avait toutes.
À la même époque, au milieu de la terreur et du respect dont cet homme frappait les esprits ; lorsque le philosophe Érasme, qui devait l’injurier après sa chute[2], se prosternait devant sa toute-puissance qu’il dorait de ses éloges[3] ; lorsque Henri VIII lui-même, auquel Wolsey venait de faire cadeau d’un palais, ne savait comment s’y prendre pour punir la magnifique insolence de son favori, il y avait en Angleterre un seul homme qui osait se déclarer l’ennemi de Wolsey. Sous les arceaux de Westminster, protégé contre la vengeance du cardinal par la sainteté du sanctuaire, vivait un pauvre prêtre nommé Jean Skelton, qui passait sa vie à verser à flots les invectives bouffonnes et les pamphlets rimés contre ce premier ministre catholique d’un roi qui allait briser le catholicisme pour se faire pape. Les fortes mœurs du moyen âge n’étaient pas éteintes. La colère du ministre grondait en vain. L’obstacle opposé à sa violence triomphait de Wolsey tout-puissant. L’abbé Islip régnait à Westminster et protégeait Skelton contre l’ami du monarque, premier ministre, légat de Léon X, archevêque d’York. La presse et les copistes faisaient circuler dans le peuple les poèmes redoutables de Skelton, que toutes les bouches répétaient. L’une de ces satires : Why come you not to court ? « pourquoi n’allez-vous pas à la cour ? » ne tarda pas à devenir aussi populaire, entre 1517 et 1525, que les chansons de Béranger entre les années 1815 et 1830.
Ce Skelton, que les savans seuls connaissent aujourd’hui, et dont