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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/786

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REVUE DES DEUX MONDES.

En Angleterre, rien ne put dompter l’âpre conviction des puritains. Battus sur tous les points, ils se réfugièrent dans les défilés des montagnes, dans les cavernes des bois, tenant la Bible et le Covenant d’une main, le glaive de l’autre. Quand les antres des bêtes fauves leur eurent manqué, ils s’expatrièrent ; quand l’Europe leur refusa un asile où leur conscience fût libre, ils allèrent conquérir à leur foi un nouveau monde. Le catholique irlandais a gardé sa croyance au milieu de la plus atroce misère. La Bohême, au contraire, s’est laissé refaire catholique d’assez bonne grace, sans qu’il ait fallu un long ensemble de persécutions, un vaste système de terreur et de cruautés. Cela prouve au surplus que le catholicisme, où le sentiment d’autorité domine et dont le culte étale avec éclat ses formes extérieures, est en parfaite harmonie avec le tempérament bohême.

Dans cette seconde conversion des Bohêmes, les jésuites ont joué le plus grand rôle. Généralement les jésuites ont eu du succès parmi les populations souples et dociles. Ailleurs ils ont dû échouer. Tel est le secret de leur complète réussite parmi les peuplades de l’Amérique du sud, de la répugnance invincible qu’au contraire ils inspirent à l’Anglais tout personnel et au Français tout plein de spontanéité. Les jésuites ont rendu la Bohême à la maison d’Autriche. La Bohême a été le théâtre où ils ont le mieux déployé leur esprit insinuant et habile, leur assurance grandissant tout à coup jusqu’à l’audace lorsque l’humeur facile, débonnaire et croyante ou crédule des peuples laissait le champ libre à leurs fraudes pieuses. L’apothéose de saint Jean Népomucène offre un trait curieux de l’histoire de la société de Jésus dans ses rapports avec la Bohême.

De tous les habitans du céleste séjour, nul n’est l’objet d’hommages pareils à ceux que saint Jean Népomucène reçoit en Bohême. Le dénombrement de ses statues est chose impossible. Les plus pompeuses cérémonies lui sont réservées. Ce n’est pas de la dévotion, c’est de l’adoration, de l’idolâtrie. Il semble que, dans l’opinion vulgaire, il soit plus que Dieu lui-même. Sur le pont de Prague, la population s’incline et se découvre respectueusement devant sa statue ; en passant devant le Christ qui est tout proche, elle reste la tête couverte et le front haut. Eh bien ! ce saint Jean Népomucène tant exalté, tant honoré, si je dois en croire ce que m’ont raconté à peu près dans les mêmes termes plusieurs personnes que je tiens pour véridiques, serait une pure invention des jésuites. Je rapporte ici, sans y rien changer, le récit qui m’a été livré : suivant ce thème vol-