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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/83

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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

qu’alors, ses promesses d’affranchissement ne seraient plus prises, pour un leurre et une tromperie.

Quoi qu’il en soit de ces conjectures, nous croyons que la France et l’Allemagne ont tout intérêt à vivre en bon accord, et qu’il n’existe entre elles, aucune cause sérieuse d’inimitié. Si notre faible voix pouvait être entendue, nous voudrions dire à ceux de nos compatriotes qui rêveraient la conquête de ce qu’on appelle nos limites naturelles, qu’il n’est pas bien sûr que les provinces rhénanes, quelque impatience qu’on leur suppose de la domination prussienne, consentissent à être détachées du reste de l’Allemagne, et qu’il est au moins douteux que leurs intérêts et leurs sympathies les portent à désirer une réunion à la France ; qu’il n’y aurait donc ni générosité, ni justice à porter nos vues de ce côté ; qu’une pareille conquête pourrait bien même nous être peu profitable, parce qu’elle romprait l’unité et l’homogénéité de notre patrie, en lui adjoignant un peuple impossible à fondre avec le peuple conquérant, et qui verrait toujours en nous moins des concitoyens que des maîtres et des oppresseurs ; enfin que les vraies limites naturelles ne sont pas déterminées par les montagnes et les rivières, mais bien plutôt par la langue, les mœurs, les souvenirs, par tout ce qui distingue une nation d’une autre nation. D’un autre côté, nous dirions aux Allemands qu’on les trompe en voulant leur persuader que l’acquisition de la ligne du Rhin est pour les Français une idée fixe ; que la classe à laquelle appartiennent aujourd’hui le pouvoir et l’influence est trop notoirement et trop décidément pacifique pour qu’il ne soit pas ridicule de lui attribuer des plans de conquête ; que, parmi ceux d’entre nous qui ont le plus à cœur la gloire et la grandeur de la France, la plupart lui souhaitent plutôt un accroissement d’influence et d’ascendant moral qu’une augmentation de territoire, et tournent plus souvent les yeux vers la Méditerranée et l’Orient que vers les provinces du Rhin. Nous ajouterions qu’au moment même de la plus grande irritation produite par le traité du 15 juillet, les plus emportés de nos journaux se sont tout au plus posés en libérateurs vis-à-vis de l’Allemagne, mais jamais en conquérans, et qu’aujourd’hui on chercherait vainement dans la presse française quelque chose qui puisse justifier le ton hostile et provocateur que conservent à notre égard certains organes de la presse germanique. Il serait injuste sans doute de chercher dans quelques feuilles censurées, les véritables sentimens du peuple allemand ; toutefois plusieurs autres indices peuvent faire supposer chez quelques-uns des chefs de la confédération un esprit d’hostilité systématique contre la France, le