en 1837 par la compagnie, et provenant des provinces de Patna et Bénarès. Il faut y ajouter environ 6,000,000 de fr. produits par un droit de 125 roupies par caisse, prélevé sur chaque caisse d’opium de Malwa qui est embarquée à Bombay.
Je n’ai parlé que du bénéfice fait par la compagnie. Il est assez grand pour justifier la répugnance qu’elle montre à abandonner une branche aussi riche de revenus. Ce sacrifice deviendrait d’ailleurs inutile, car l’opium de Malwa se transporterait à Damaun et dans les autres comptoirs portugais, d’où il était embarqué lorsque la compagnie, en élevant les droits de transit, cherchait à monopoliser dans le port de Bombay comme à Calcutta les avantages de l’exportation de la denrée prohibée. La production de l’opium de Malwa augmenterait à mesure que diminuerait celle de l’opium du Bengale. En 1837, l’opium de Malwa introduit en Chine s’éleva, comme je viens de le dire, à plus de 18,000 caisses : cette quantité doublerait facilement dès qu’elle aurait un marché assuré. Il y a bien d’autres terres encore sous le ciel de l’Inde qui seraient favorables à la culture du pavot. La compagnie peut-elle d’ailleurs se passer de ce revenu ? Je ne le crois pas. Or, toutes les autres raisons se taisent devant celle-là.
Je vous ai parlé, dans ma première lettre, de tous les avantages que le commerce anglais retire du trafic de l’opium ; ils égalent au moins ceux de la compagnie des Indes. L’abandon du commerce d’opium serait donc pour l’Angleterre une perte annuelle de 120 ou 150 millions de fr. Ajoutez à cette perte toutes celles qui en seraient la conséquence, car les diverses branches d’un commerce spécial sont, pour ainsi dire, solidaires l’une de l’autre ; elles se prêtent un mutuel appui, et si l’une d’elles vient à manquer, toutes les autres doivent presque toujours s’en ressentir. Ainsi, la vente de l’opium couvre à peu près l’achat des thés que l’Angleterre exporte annuellement de Chine. Les cotons de Bombay et les produits des manufactures anglaises, dont la vente réunie s’élève à 70 millions de fr. environ, servent à payer les autres demandes que l’Angleterre fait à la Chine ; mais il reste toujours un excédant des ventes sur les achats que les navires anglais exportent en argent sycee. Cet excédant s’élève annuellement à 25 ou 30 millions de fr. Or, il est évident que, si l’Angleterre n’introduisait plus d’opium en Chine, elle serait obligée, au lieu d’exporter de l’argent chinois, d’y importer 90 millions d’argent anglais, ou elle réduirait son commerce d’exportation au niveau de son importation en marchandises, ce qui diminuerait son mouvement commercial annuel de 350 à 140 millions. Cette différence de 210 millions serait une alternative plus funeste peut-être que la première.
Vous voyez qu’en pesant bien toutes ces considérations, ni la compagnie des Indes, ni le commerce britannique, ne peuvent consentir à l’abandon du trafic de l’opium. Ceux qui leur conseillent d’en venir à cette extrémité obéissent à un zèle philantropique très louable, mais ils ne calculent pas assez toutes les conséquences qu’un tel acte entraînerait infailliblement.
Je reviens, après cette digression nécessaire, au récit des évènemens. Nous