Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/901

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
891
ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

libéral et magnifique lui donnoit de bons gages, il lui octroya encore de temps en temps quelques offices de nouvelle création et de certaines confiscations qui procuroient à Baïf le moyen d’entretenir aux études quelques gens de lettres, de régaler chez lui tous les savans de son siècle et de tenir bonne table. Dans cette faveur insigne, celui-ci avisa d’établir en sa maison une Académie des bons poètes et des meilleurs esprits d’alors avec lesquels il en dressa les lois, qui furent approuvées du roi jusques au point qu’il en voulut être et obliger ses principaux favoris d’en augmenter le nombre. J’en ai vu autrefois l’Institution écrite sur un beau velin signé de la main propre du roi Henri III, de Catherine de Médicis sa mère, du duc de Joyeuse et de quelques autres, qui tous s’obligeoient par le même acte de donner une certaine pension annuelle pour l’entretien de cette fameuse Académie. Mais hélas !…[1]

Et Colletet arrive aux circonstances funestes qui la ruinèrent. J’ai moi-même parlé ailleurs avec quelque détail de ce projet d’Académie, et j’en ai indiqué les analogies anticipées avec l’Académie française. Lorsque la reine Christine fit visite à celle-ci, en 1658 ; l’illustre compagnie, surprise à l’improviste, n’avait pas résolu la question de savoir si on resterait assis ou debout devant la reine. Un académicien présent, M. de La Mesnardière, rappela à ce sujet que, « du temps de Ronsard, il se tint une assemblée de gens de lettres et de beaux-esprits à Saint-Victor, où Charles IX alla plusieurs fois, et que tout le monde étoit assis devant lui. » Ce précédent fit loi[2].

Sur ce chapitre des libéralités des Valois, nous apprenons encore qu’en 1581 le roi donna à Ronsard et à Baïf la somme de douze mille livres comptant[3] pour les vers (mascarades, combats et tournois)

    paroles des poètes : Orlande le jeune avait noté en musique un certain sonnet d’Olivier de Magny, un petit dialogue entre un amant et le nocher Caron, qui avait tenu long-temps en émoi toute la cour ; Thibault de Courville et Jacques Mauduit conduisaient les concerts de Baïf ; Guedron et Du Cauroy faisaient les airs des chansons de Du Perron.

  1. Vie de Baïf, manuscrit de Colletet.
  2. L’Académie des Valois ne tenait pas toujours ses séances à Saint-Victor. D’Aubigné, qui dut à son talent de bel-esprit agréable d’y être admis par le roi, dans le temps où il était attablé au Béarnais captif et à la veille de l’évasion de 1576, D’Aubigné nous apprend (Histoire universelle) qu’alors cette Académie s’assemblait dans le cabinet même du roi, deux fois par semaine, et qu’on y entendait toutes sortes d’hommes doctes, et même des dames qui avaient étudié : on y posait des problèmes de bel esprit et de métaphysique.
  3. Deux mille écus à chacun.