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LES ANGLAIS DANS LE CABOUL.

Dans l’état actuel de la société en Europe qui a amené les populations à se concentrer dans des villes où elles peuvent se procurer chaque jour et sans peine toutes les nécessités et toutes les superfluités de la vie, les foires sont devenues beaucoup moins communes qu’elles ne l’étaient autrefois ; mais en Asie tout contribue à les rendre importantes, et elles sont très florissantes, parce qu’en réalité elles sont les seuls moyens qu’aient des nations éloignées les unes des autres, et dont la population est très dispersée, de se procurer des articles de manufacture indigène ou étrangère. Bien qu’il n’y ait pas encore eu un établissement de ce genre sur l’Indus, tous les matériaux en existent ; l’état politique de ces pays a seul empêché, depuis long-temps, l’existence d’une foire florissante sur les rives du fleuve… Les Louhanis vont se fournir jusqu’à Calcutta et à Bombay, mais ils ne vont sur ces marchés éloignés que parce qu’ils ne peuvent se fournir plus près. »

C’était Dera-Ghazi-Khan, dont nous avons parlé plus haut, que Burnes proposait pour l’emplacement de cet entrepôt commercial. Le point le plus élevé où l’Indus soit navigable toute l’année est à Kala-Bagh, à environ quatre-vingts milles d’Attock, et à la même distance de Dera-Ismael. Le fleuve est bien praticable jusqu’à Attock, et même jusqu’à Pechawir, mais seulement pendant la moitié de l’année. De Dera-Ghazi à Bombay, la navigation est libre. Préoccupé de l’idée de ramener vers l’Inde le commerce de l’Asie, qui se dirigeait vers les foires de la Russie, Burnes insistait fortement sur la nécessité de lever et de réduire les prohibitions et les droits de douane : « Nous faciliterons bien mieux les progrès du commerce, disait-il, en levant les obstacles qui l’arrêtent et en lui laissant un libre cours. Si l’exemple d’autrui peut nous encourager, profitons de celui de la Russie. Il y a été fondé, de mémoire d’homme, des foires où il se fait maintenant des affaires pour deux cents millions de roubles. Le transport de la grande foire de Maccaire à Nijni n’a fait que donner un nouvel élan au commerce. Si Dera-Ghazi ne convenait pas plus tard, on changera de place. Mais avec des tarifs légers pendant les premières années, cette foire ne peut manquer de prospérer, et les marchandises déserteront même leur voie naturelle, si les marchands voient qu’ils peuvent vendre plus sûrement et plus vite, quoique moins cher. Comme les foires de la Russie subsistent principalement par le commerce avec l’Asie centrale, une partie de ce commerce sera certainement attiré sur le marché plus proche de