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sérieuses et profondes qui, sans changer sa manière, l’ont perfectionnée et agrandie ? Et son œuvre elle-même, ainsi attachée à l’édifice dont elle fait désormais partie, dont elle reflète le caractère, dont elle consacre la destination, n’a-t-elle pas une autre signification, une autre influence, une autre valeur artistiques et sociales que telle ou telle toile dont un caprice d’imagination, le hasard, ou, qui pis est, la fantaisie d’un homme ont fourni le sujet, exécutée d’ordinaire sur les exigences du goût régnant, en vue d’une popularité immédiate, et dont la fin dernière est d’aller remplir une place vide dans une galerie, ou même de compléter l’ameublement d’une chambre à coucher ? Enfin, il a fallu qu’il y eût à mettre quelque chose sur le plafond de la salle des monumens étrusques au Louvre, pour que le plus éminent ouvrage de l’art moderne, celui qui renoue le mieux la chaîne des temps du triomphe de l’art, celui qui rend son auteur digne de figurer quelque part après sa mort dans le groupe d’élite de ces autres morts glorieux dont il a si noblement retracé les images, pour que l’Apothéose d’Homère fût produite.

Ce n’est certes pas par une rencontre purement fortuite que les trois plus belles créations de notre art contemporain se trouvent être précisément des peintures monumentales, et ce n’est pas davantage par hasard que ces trois ouvrages se trouvent aussi être les chefs-d’œuvre de leurs auteurs. Le hasard n’est pas si conséquent.

On voit par là tout ce qu’on peut attendre pour le progrès de l’art de son association avec l’architecture. C’est en se retrempant à cette antique source que la peinture a si rapidement en Allemagne atteint une hauteur inespérée. On paraît heureusement assez disposé chez nous à entrer dans cette voie, et il serait facile de faire voir que, hors du salon, il y a aussi en ce moment à Paris une exposition qui vaut bien celle du Louvre.

Si l’on convient de tout cela, si l’on ne peut pas méconnaître l’influence de la peinture monumentale, et si, par conséquent, on souhaite la voir fleurir, s’étendre et porter tous ses fruits, il faudra aussi lui rendre son instrument par excellence, qui est la fresque. La fresque est née en même temps que la peinture murale ; elle en est le procédé en quelque sorte naturel. Michel-Ange disait que la fresque était la peinture des hommes, et que celle à l’huile ne convenait qu’aux femmes et aux paresseux. Ces anciens grands modèles de l’art dont il vient d’être parlé sont des fresques. C’est aussi par la restauration de la fresque que les Allemands ont commencé chez eux la restauration de leur art. Et il ne faut pas se figurer que les