Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
REVUE. — CHRONIQUE.

rations des contribuables. Dans les grands états au contraire, cet impôt paraissait impossible à établir et à supporter.

L’Angleterre, dans sa lutte acharnée contre la France sous le ministère Pitt, osa surmonter toutes les répugnances qu’inspire cet impôt et se soumit à l’income-taxe. Supprimé à la paix, il s’agit aujourd’hui de le rétablir au taux de 3 pour 100, et c’est un grand point pour le ministère que de pouvoir dire : Une longue expérience l’a déjà prouvé, il n’y a rien dans ce bill d’impossible, rien qui paralyse le développement de la prospérité publique. Le pays y a trouvé une puissante ressource à une autre époque : repoussera-t-il ce patriotique sacrifice, aujourd’hui que les besoins ne sont pas moins réels, et que le pays est encore plus riche ?

Tout promet une magnifique discussion. Si le ministère peut, dans les phases du débat, garder son terrain tout entier et ne point reculer d’un pas, il sortira vainqueur de la lutte ; mais si une exception parvenait à se glisser dans le projet, si une première brèche était faite au système ; il y aurait, ce nous semble, un tel soulèvement, une telle irritation des intérêts frappés, que le sort du bill serait compromis. La force du projet, malgré les objections de détail, est essentiellement dans l’universalité et par là dans l’équité du principe.

La chambre des députés se traîne péniblement vers la fin de la session. Elle évite avec soin toute discussion importante. Elle ne demande plus que deux choses : le vote du budget et l’ordonnance de clôture. L’opposition provoquera encore une fois la majorité au combat dans la discussion des crédits supplémentaires ; elle s’efforcera de ranimer par un amendement la question du recensement, de se préparer ainsi un moyen d’action dans les colléges électoraux. La majorité n’entrera dans la lice qu’à regret ; elle ne portera que les coups strictement nécessaires pour sauver l’honneur des combattans ; l’urne prononcera, et tout sera dit. Après les crédits supplémentaires, il restera cependant une autre question d’une immense importance, et que la chambre n’osera pas ajourner : je veux dire la question des chemins de fer.

On paraît enfin être tombé d’accord sur les clauses de la loi. Ce sont les réticences et les sous-entendus qui en détermineront l’adoption : elle ne sera pas adoptée pour ce qu’elle dit, mais pour ce qu’elle ne dit pas. C’est ainsi qu’on espère réunir les votes les plus opposés. Plus tard, on sera aux prises sur chacun des points particuliers qu’on sera un jour obligé de décider. Pour se mettre à l’œuvre, il faudra bien appeler les choses par leur nom, et quitter la langue amphibologique des oracles. C’est alors que les observateurs du monde politique pourront recueillir une riche moisson de faits curieux et de remarques importantes. Tout se dira alors, tout sera connu : le boisseau sera brisé, car les intérêts irrités ne ménagent rien, et la lumière paraîtra. Les habiles se frotteront les mains ; les autres crieront à tue-tête. Cette lutte municipale n’offre certes rien qu’on puisse appeler noble, grand, national : elle sera, en revanche, curieuse à observer, amusante, pour les esprits malins.