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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/188

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REVUE DES DEUX MONDES.

diation du gouvernement britannique, exigerait des secours que nous ne pouvons donner aux possesseurs actuels de l’Afghanistan, ou plutôt au chef de Caboul, sans faire naître de nouveaux élémens de discorde qui mettraient la paix bien plus en danger que ne peut faire le maintien de la souveraineté des Afghans dans la famille Sudozie. J’ajouterai que les Barukzis, au lieu de former soixante mille familles, comme l’a dit le capitaine Burnes, n’en forment pas plus de six mille ; que le reste des Douranis verrait avec indignation le gouvernement britannique chercher à leur imposer le joug des Barukzis, et que cet acte tendrait à faire grand tort au nom du gouvernement britannique, chez un peuple jaloux de son indépendance, et qui attache encore un grand prix à la conservation des dignités héréditaires et des anciennes institutions. »

Le gouverneur-général de l’Inde était dans le plus grand embarras. Rejeté tour à tour du Caboul à Loudiana, et de Dost-Mohammed à shah Soudja, alternativement converti par le capitaine Burnes et par le capitaine Wade, il ne savait auquel entendre. Rien de plus curieux que cette concurrence des deux prétendans, que cette lutte des deux officiers anglais dont chacun présentait son candidat, détaillant toutes ses qualités, et disant : « Prenez mon… prince. » Il paraît que lord Auckland hésita long-temps ; ses résolutions changeaient d’heure en heure, et il penchait tour à tour pour la paix et pour la guerre. On sait comment se termina cette lutte d’influences rivales dans les conseils de l’Inde ; Burnes fut rappelé de Caboul, un traité fut conclu entre le gouvernement de l’Inde, Runjet-Singh et shah Soudja, et lord Auckland publia, le 1er octobre 1838, son célèbre manifeste contre le chef de Caboul[1].

On peut voir, dans cette proclamation, comment le gouvernement de l’Inde se défendait de tout projet de conquête territoriale. Il ne passait par l’Afghanistan que pour arriver à Hérat, qu’une armée persane assiégeait alors sous la direction d’officiers russes. « Les assiégés, disait lord Auckland, se sont conduits avec un courage digne de la justice de leur cause, et le gouverneur-général conserve encore l’espoir que leur héroïsme leur donnera le moyen de se défendre jusqu’à ce qu’ils reçoivent des secours de l’Inde britannique. » Le gouverneur-général déclarait aussi de la manière la plus formelle que dès que le shah Soudja serait rétabli sur son trône, les forces anglaises se retireraient et rentreraient dans les possessions britanniques. « Par suite de ces mesures, disait-il, on peut s’attendre que la liberté et la prospérité du commerce seront encouragées, que le nom et la juste influence du gouvernement britannique prendront chez les nations de l’Asie centrale la place qui leur appartient, que la tranquillité sera établie sur la frontière la plus importante de l’Inde, et qu’une barrière solide sera élevée contre les intrigues et les envahissemens étrangers. »

La fatale campagne au-delà de l’Indus suivit cette proclamation. Les aver-

  1. La Revue a donné le manifeste de lord Auckland dans sa livraison du 1er janvier 1840, sur l’État actuel des Indes anglaises.