Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

Ce disoit Amour tout plein
De pleurs, voyez quelle enflure
M’a fait une égratignure !

Alors Vénus se sourit,
Et en le baisant le prit,
Puis sa main lui a souflée
Pour guarir sa playe enflée :

Qui t’a, dis-moy, faux garçon,
Blessé de telle façon ?
Sont-ce mes Graces riantes
De leurs aiguilles poignantes ?

— Nenni, c’est un serpenteau,
Qui vole au printemps nouveau
Avecque deux ailerettes
Çà et là sur les fleurettes.

— Ah ! vraiment je le cognois
(Dit Vénus) ; les villageois
De la montagne d’Hymette
Le surnomment Melissette.

Si donques un animal
Si petit fait tant de mal,
Quand son alêne époinçonne
La main de quelque personne ;

Combien fais-tu de douleur
Au prix de lui, dans le cœur
De celui en qui tu jettes
Tes venimeuses sagettes ?

Ce sont là de ces imitations à la manière de La Fontaine ; une sorte de naïveté gauloise y rachète ce qu’on perd d’ailleurs en précision et en simplicité de contour. Vénus, comme une bonne mère, souffle sur la main de son méchant garçon pour le guérir ; elle lui demande qui l’a ainsi blessé, et si ce ne sont pas ses Graces riantes avec leurs aiguilles. Arrêtée à temps, cette façon familière est un agrément de plus. Bien souvent, toutefois, ce côté bourgeois se prolonge, et tranche avec l’élégance, avec la sensibilité épicurienne. On se retrouve accoudé parmi les pots ; on fourre les marrons sous la cendre ; Bacchus, l’été, boit en chemise sous les treilles : heureux le lecteur quand d’autres mots plus crus et des images désobligeantes n’arrivent