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ront l’hymne des adorations éternelles. Plus de mort, plus de souillures, mais l’universelle et l’immuable félicité. Mithra est le médiateur des deux puissances ennemies et la troisième personne de la trinité persane. Dernier né des dieux de l’Orient, il était aussi le plus nourri de spiritualité, et ses analogies avec le Christ sont la cause qui fit recourir à lui le paganisme effrayé de ses défaites, et qui laissa le monde hésiter un moment dans son choix.

L’Afrique, malgré sa grandeur, n’a eu qu’une seule civilisation indigène. Ce continent est le moins favorisé de la nature. Ses côtes ne sont pas découpées en golfes profonds ; il n’a que peu de fleuves importans ; des solitudes brûlantes le traversent, rendent les communications plus difficiles encore, isolent les peuples dispersés sur sa vaste étendue, et entourent des terres barbares d’un vaste silence et d’un impénétrable mystère. La vie animale est avec le désert le trait de cette nature de feu : nulle part elle ne se montre avec autant de puissance, et les bêtes fauves, plus nombreuses en Afrique qu’ailleurs, y prennent aussi plus de force et de fureur.

La vie animale devait donc frapper singulièrement les habitans de l’Afrique, et, à l’époque primitive où la nature servait de révélation, les animaux, avec leurs instincts si merveilleux, si sûrs, si constans, devaient, sur cette terre où ils règnent, apparaître comme le symbole de l’intelligence divine. C’est là en effet ce que l’on voit dans la vallée du Nil, que sa position aux portes de l’Asie et de l’Europe, son climat tempéré, et son fleuve, le plus bienfaisant de tous, désignaient pour être le berceau de l’unique civilisation dont puisse se vanter l’Afrique. Le culte des animaux était du reste bien loin de ressembler en Égypte aux grossières idolâtries du fétichisme. La caste sacerdotale arrivée de l’Inde lui donna un sens profond, et imprima à ces croyances indigènes le sceau de la grandeur et de la sagesse. Ce n’étaient pas d’ailleurs les animaux seulement qu’on adorait. Le Nil, source unique de la vie pour l’Égypte, était regardé comme l’Osiris tutélaire, dieu de bonté qui semblait vivre dans ses eaux sacrées et porter avec elles la joie et l’abondance. Puis, quand les campagnes étaient abandonnées du fleuve, qui ne coulait plus qu’à flots épuisés, quand la terre était desséchée, quand l’aridité du désert seule régnait, le dieu semblait défaillir et succomber à la mort. On disait que son frère Typhon, le génie des brûlans déserts, l’avait fait traîtreusement périr. On racontait qu’Isis, la bonne mère de l’Égypte, l’épouse et la sœur d’Osiris, cherchait son corps avec des gémissemens et des plaintes. L’Égypte se lamentait avec elle, et le peuple