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LE SALON.

ginal : imitation difficile, qui réclame un talent et une science d’artiste. Nous comprenons dans ces remarques la lithographie, bien qu’elles ne s’y appliquent pas de tout point.

Cet art n’a rien fourni cette année de bien important. En suivant l’ordre alphabétique, nous trouvons d’abord quelques paysages originaux gravés à l’eau forte par M. Bléry, d’une pointe assez fine, mais qui, s’appuyant partout avec le même degré de force, ne fait pas leur part suffisante à l’ombre et à la lumière ; d’où l’uniformité de ton, la confusion des plans et le manque d’effet. M. Calamatta a deux petits portraits, celui de M. Molé, d’après M. Ingres, et de Mme Sand, d’après nature, d’un dessin précis, d’un modelé solide et d’un beau burin. La Vision d’Ézéchiel, d’après Raphaël, par M. Eichens, ne saurait tenir lieu de l’ancienne estampe de Poilly ni de celle plus récente de Longhi. En traduisant la Joconde de Léonard de Vinci, M. Fauchery a un peu alourdi la grace incomparable du modèle. Les mains, les plus belles peut-être qui aient jamais été peintes, sont plus fortes et plus pesantes que celles de l’original. M. Henriquel, auquel les peintres contemporains doivent déjà tant, a eu l’idée de graver le Christ consolateur, de M. Ary Schœffer ; il y a mis une grande sobriété de burin, et donné à peu près la même valeur de ton à toutes les figures. L’effet est ainsi plus sévère, mais l’estampe paraît un peu blafarde. Le portrait de Napoléon, d’après M. Delaroche, par M. Louis, a de la tournure et de l’effet, ce qu’il faut surtout attribuer au peintre ; le travail de la gravure est, du reste, consciencieux et habile. Nous préférerions à ce portrait celui du Pérugin, gravé par M. Martinet. Nous y trouvons plus d’indépendance dans le maniement du burin, et une manière plus originale de rendre les chairs, les étoffes et les cheveux. C’est un pendant très convenable pour le beau portrait de Rembrandt du même graveur. Les estampes de M. Prévost, d’après Léopold Robert, sont si connues, qu’il suffit de mentionner l’apparition de la quatrième, l’Improvisateur napolitain.

Le morceau capital de la gravure est venu de l’Allemagne ; c’est une madone de M. Steinla, d’après Holbein le jeune. Les Allemands ont, dans ces derniers temps, essayé de restaurer, dans la gravure, les anciennes traditions de leurs vieux maîtres, dont ils ont reproduit plus ou moins exactement la manière. Il y a quelques traces de ces souvenirs dans l’estampe de M. Steinla, qui, entre autres qualités, a celle d’épargner à l’œil le maussade aspect de ces tailles symétriques alignées en orbes concentriques, en spirales, en carreaux