Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
LE SALON.

n’a eu de disciples. Au XVIe siècle, l’art commença à abandonner l’église et le peuple, et devint l’hôte des cours. C’est la colonie d’artistes florentins appelés par François Ier qui donna le ton à notre sculpture de la renaissance ; les œuvres de Jean Goujon, de J. Bullant, de Bontemps, de G. Pilon, de B. Prieur, de Guillain et des frères Anguier, en portent la marque. Ce moment fut brillant, mais assez court. Ce ne fut qu’une sorte d’épisode dans l’art français. Bientôt après, en effet, la décadence de la sculpture entre les mains des successeurs de Michel-Ange eut immédiatement son contrecoup chez nous, et, en même temps que le goût se corrompait chez nos artistes, l’art lui-même ne savait plus rien dire au public qui pût l’intéresser. Il y eut, au XVIIe siècle, des hommes habiles, de grands talens, mais qui ne parvinrent pas à mettre la sculpture au niveau de la peinture de leur temps ; un seul homme, P. Puget, fait exception, mais il ne fit ni ne pouvait faire école, car malgré l’originalité de son génie, il n’était lui-même qu’un des membres de la mauvaise famille des Bernin et des Algarde. Au XVIIIe siècle, Bouchardon, Pigalle et Falconnet sont nos premiers maîtres. La sculpture s’efface de plus en plus et disparaît de partout. Une sorte de seconde renaissance parut se manifester à l’époque de David et de Canova. En conseillant de retremper le goût dans les sources antiques, ces maîtres prêchaient une bonne morale ; mais, comme tous les prédicateurs, ils obtinrent plus de belles résolutions et de bons sentimens que de bonnes œuvres. Depuis, la sculpture vécut uniquement, chez nous, de ces réminiscences de l’antique, interprété par David et par Canova. Aujourd’hui on est moins exclusif ; on s’adresse à tous les saints ; on consulte simultanément la Grèce, Rome, Florence, le moyen-âge, la renaissance et même la nature. Mais tout cela ne sort guère des ateliers. Le public est parfaitement indifférent au résultat de ces élaborations ; il accepte tout en sculpture parce qu’il n’y regarde pas, et il ne regarde pas parce qu’il ne sent pas, parce qu’il ne comprend pas. C’est un art trop abstrait pour lui. Et ce public-là, qui n’aime ni ne comprend la sculpture, n’est pas seulement celui qu’on appelle, suivant le besoin, la foule ou le peuple, c’est aussi celui qui s’est donné le privilége d’entrer sans l’autre au Louvre le samedi.

Dans ces fâcheuses conditions, il est naturel que la statuaire ne sorte pas de son état languissant et n’apporte au Louvre que ce que nous y voyons depuis tant d’années et ce que nous allons y voir.

En l’absence de M. Pradier, le petit coin de l’escalier paraît dé-