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UNE JOURNÉE À LONDRES.

rare à Londres. C’est surtout dans les églises de construction nouvelle que le génie architectural anglais a déployé le cosmopolitisme le plus bizarre et fait la plus étrange confusion de genres. Devant un pylône égyptien se déploie un ordre grec entremêlé de pleins cintres romains, le tout surmonté d’une flèche gothique. Cela ferait hausser les épaules de pitié au moindre paysan italien. À très peu d’exceptions, tous les monumens modernes sont de ce style.

Les Anglais sont riches, actifs, industrieux ; ils peuvent forger le fer, dompter la vapeur, tordre la matière en tout sens, inventer des machines d’une puissance effrayante, ils peuvent être de grands poètes ; mais l’art, à proprement parler, leur fera toujours défaut, la forme en elle-même leur échappe. Ils le sentent et s’en irritent, leur orgueil national en est blessé ; ils comprennent qu’au fond, malgré leur prodigieuse civilisation matérielle, ils ne sont que des barbares vernis. Lord Elgin, si violemment anathématisé par lord Byron, a commis un sacrilége inutile. Les bas-reliefs du Parthénon apportés à Londres n’y inspireront personne. Le don de la plastique est refusé aux races du Nord ; le soleil, qui met les objets en relief, assure les contours et rend à chaque chose sa véritable forme, éclaire ces pâles contrées d’un rayon trop oblique que ne peut suppléer la clarté plombée du gaz. Et puis les Anglais ne sont pas catholiques. — Le protestantisme est une religion aussi funeste aux arts que l’islamisme, et peut-être davantage. — Des artistes ne peuvent être que païens ou catholiques. Dans un pays où les temples ne sont que de grandes chambres carrées, sans tableaux, sans statues, sans ornemens, où des messieurs coiffés de perruques à trois rouleaux vous parlent sérieusement, et avec force allusions bibliques, des idoles papistes et de la grande prostituée de Babylone, l’art ne peut jamais atteindre à une grande hauteur ; car le plus noble but du statuaire et du peintre est de fixer dans le marbre et sur la toile les symboles divins de la religion en usage à son époque et dans son pays. Phidias sculpte la Vénus, Raphaël peint la Madone, mais ni l’un ni l’autre n’était anglican. Londres pourra devenir Rome, mais elle ne sera jamais Athènes, à coup sûr. Cette dernière place semble réservée à Paris. Là bas, l’or, la puissance, le développement matériel au plus haut degré ; une exagération gigantesque de tout ce qui peut se faire avec de l’argent, de la patience et de la volonté, l’utile, le confortable ; mais l’agréable et le beau, non. — Ici, l’intelligence, la grace, la flexibilité, la finesse, la compréhension facile de l’harmonie et de la beauté, les qualités grecques, en un mot. Les Anglais excel-